On nous écrit

Termes inexacts

Nabila Njima réagit à un article que nous avons fait paraître récemment.
Israël-Palestine 

Je souhaite apporter deux remarques à l’article intitulé «La surenchère de la droite dure», paru dans votre édition du 18 mai 2021, concernant les événements récents de lynchages racistes ayant eu lieu en Palestine occupée et dans les territoires israéliens.

Tout d’abord le terme employé par l’auteur d’«Arabes israéliens» pour désigner les Palestiniens détenteurs de la citoyenneté israélienne est une dénomination que les concernés n’utilisent et n’acceptent pas, pour la bonne et simple raison qu’elle est inexacte: les «Arabes israéliens» sont des Palestiniens, tout comme les Palestiniens vivant en Cisjordanie occupée, à Gaza, ou dans des camps de réfugiés à l’étranger. La révolte que ces personnes mènent depuis plusieurs jours à l’unisson, à Jérusalem, à Haïfa, à Acre, à Gaza, en Cisjordanie et même, par les réfugiés palestiniens, aux frontières jordano-palestiniennes et libano-israéliennes, confirme d’ailleurs l’identité commune de cette population indigène de la Palestine.

En second lieu, l’affirmation choquante selon laquelle des groupes de Palestiniens chercheraient à «casser du juif», motivés par un «antisémitisme bien réel», est à sérieusement remettre en doute et surtout en contexte: lorsque des violences sont commises contre des juifs israéliens, elles le sont par une population qui vit sous un régime d’apartheid, dans lequel elle est régulièrement dépossédée de ses terres, violentée et humiliée gratuitement voire tuée par les soldats israéliens et où les citoyens juifs sont privilégiés par l’Etat dans tous les aspects de leur vie, de leur liberté de mouvement à leur liberté d’établissement. Si toute attaque entre civils est regrettable, il est certain que le choix de la violence par certains palestiniens est d’abord motivé par l’injustice qu’ils vivent depuis septante-trois ans, et non par un «antisémitisme bien réel». Il est dès lors malvenu de tenter de mettre dos à dos dans cet article les pogroms violents et documentés commis par des juifs israéliens, protégés par l’Etat, dont la motivation raciste est claire, vu les slogans «mort aux Arabes» scandés par ceux-ci, et les violences que l’auteur affirme commises par des Palestiniens, citoyens de troisième classe sur leurs terres d’origine. J’ose espérer que l’auteur n’aurait pas décrit les violences commises par des noirs en Afrique du Sud dans les années 1970 comme motivées par un racisme anti-Blanc bien réel.

J’invite les lecteurs et lectrices du Courrier à utiliser les bons termes pour décrire la situation des Palestiniens. C’est la chose décente à faire en ce moment historique, où pour la première fois depuis longtemps, un peuple uni se révolte partout où il se trouve, en Palestine occupée et à l’étranger, contre une colonisation de peuplement et un apartheid violents, dont l’apparence de normalité est en train de s’effriter.

Nabila Njima,
Genève

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