Contrechamp

SYNDICALISME ET CHANGEMENT CLIMATIQUE

ENVIRONNEMENT – Les syndicats sont désormais à la pointe de la lutte contre le changement climatique. Ceci témoigne d’une approche renouvelée de la lutte transnationale et des liens avec la société civile.

Les vieilles représentations ont la vie dure. Les médias adorent dépeindre les syndicats en organisations dinosauresques tournées vers un passé industriel prétendument révolu. Ces syndicats, rétrogrades, seraient alors les pires ennemis de l’écologie, les représentants d’une gauche productiviste, polluante et industrielle à outrance. Il est vrai que la défense de l’emploi, dans certains secteurs, a pu être confondue avec le maintien de productions polluantes et dangereuses.
Aujourd’hui, pourtant, les syndicats représentent le principal espoir écologique pour le futur. Dans les négociations internationales sur le changement climatiques, ils sont les seules organisations représentatives de masse, à la fois dans les pays du nord et dans les pays du sud, à proposer des objectifs écologiquement sérieux de réductions des émissions de gaz à effet de serre. Cette prise de conscience et ce travail se font tant au niveau national (syndicats sectoriels, fédérations) qu’au niveau international (CSI-ITUC) et transnational (les fédérations syndicales internationales). En 2006 a eu lieu une première Conférence mondiale des syndicats sur le Travail et l’Environnement à Nairobi au Kenya.

A la conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Poznan, début décembre 2008, Bheki Ntshalinsthali, secrétaire général adjoint du Congrès des syndicats d’Afrique du Sud (COSATU) a déclaré au nom de la Confédération Syndicale Internationale (CSI-ITUC): «Les syndicats sont venus ici avec des attentes. Certaines ont été remplies. Mais le chemin est beaucoup trop lent! La crise économique ne doit pas nous détourner de la lutte contre le changement climatique. (…) Si nous ne voulons pas que ce soient les plus pauvres qui souffrent, il est impératif de fixer des objectifs ambitieux de réduction des émissions dans les pays développés, et d’allouer les moyens technologiques et financiers nécessaires aux pays en développement.»

Il ne s’agit pas de nier le travail immense accompli par les ONG dites «environnementales» (Greenpeace, le WWF…) ou celles dites de «droits humains» (Amnesty…), mais force est de constater que les syndicats sont aujourd’hui la seule force de masse organisée à l’échelle mondiale qui soit en mesure de proposer une contestation du système économique existant, quand bien même cette possibilité n’est pas véritablement exploitée par les organisations syndicales transnationales.
Aujourd’hui, les grands syndicats de la planète travaillent main dans la main (voir encadré) avec ces ONG pour permettre un futur meilleur, pour la planète et pour ses habitant-e-s. Car les syndicats ne font pas d’idéalisme en matière de lutte contre le réchauffement climatique. S’ils sont à la pointe du combat, c’est d’abord parce que leurs membres sont les premières victimes des changements négatifs amenés par la crise écologique globale.

Ce travail est symbolisé par la «BlueGreen Alliance», de 2006 entre le Sierra Club – une des plus grandes organisations environnementales – et les United Steelworkers – le plus gros syndicat nord-américain – qui vise à traiter «des problèmes qui ont la plus grande possibilité d’unir la population américaine à la recherche d’une économie globale qui soit plus juste et plus équitable et fondée sur les principes de durabilité environnementale et économique». Le président des métallos américains, Leo Gerard, a ajouté que «les emplois les meilleurs au XXIe siècle sont ceux qui permettront de résoudre le problème du réchauffement climatique grâce à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables».
Cet engouement des syndicats pour la lutte contre le réchauffement climatique ne se fait pas sans heurts, en particulier dans certains secteurs. Les différences nationales ne sont pas négligeables non plus. Ainsi la centrale américaine AFL-CIO défend des réductions moins importantes que la CSI-ITUC, même si des organisations affiliées à l’AFL-CIO comme les United Steelworkers prônent une politique beaucoup plus volontariste. Pour beaucoup, l’écologie est encore vue comme un obstacle à la croissance et à la création d’emplois. D’où l’intérêt de la stratégie syndicale organisée au niveau global de création d’«emplois verts».

Au-delà se pose la question récurrente pour la coopération syndicale transnationale qui est celle du rapport aux Etats. La stratégie actuellement suivie repose beaucoup sur l’action auprès des Etats et le lobbying au sein des organisations internationales. Cependant, les syndicats en tant que force sociale autonome doivent aussi développer des stratégies en dehors des structures nationales et étatiques. Assurément, l’alliance avec les organisations environnementales transnationales serait un pas dans cette direction. Vers un futur au-delà du capitalisme destructeur de la planète et de ses habitant-e-s. I
Paru dans Pages de gauche n° 74, janvier 2009. Pour plus d’informations sur le mensuel: www.pagesdegauche.ch

Opinions Contrechamp Romain Felli

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