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SNCF: la privatisation en marche

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La grève des employés de la SNCF en défense de leur statut met en évidence la volonté du président Macron de poursuivre la privatisation des chemins de fer français. En effet, contrairement aux discours, cette privatisation est déjà à l’œuvre sous l’effet des décisions prises au niveau de l’Union européenne qui a ouvert le marché du chemin de fer à la concurrence. Ironie de l’histoire, la SNCF a été constituée – comme en Suisse – par la nationalisation de chemins de fer privés, du fait que ces entreprises étaient devenues déficitaires ou ne rapportaient plus assez à leurs ­actionnaires.

Depuis les années 1990, c’est un mouvement de privatisation subtil et progressif qui est mis en œuvre. Le premier axe de cette privatisation est d’ordre indirect et concerne le trafic des marchandises qui apportait des ressources non négligeables à la SNCF. Le transfert des marchandises du rail vers la route intervient à la fois pour des raisons pratiques (transfert de point à point) mais aussi pour permettre aux entreprises privées du secteur routier de prendre des parts de marché aux entreprises ferroviaires publiques, afin de favoriser les activités réalisant du profit. Les sociétés d’autoroutes, également privatisées, se sont frotté les mains de ce transfert rail-route. Inutile de préciser que ce choix se révèle particulièrement néfaste pour l’environnement, car là encore, les profits privés se réalisent avec un report sur la collectivité des nuisances pour la santé et l’environnement.

Le deuxième axe a consisté à développer les trains à grande vitesse au détriment des lignes secondaires, ces dernières jouant un rôle important de service public pour la desserte des territoires décentrés. La moitié de la dette de la SNCF, qui s’élève à plus de 50 milliards d’euros, relève des investissements consentis pour le TGV.
Le troisième axe qui va être prochainement mis en œuvre consistera à permettre à des entreprises privées de louer des voies et du matériel roulant à l’entreprise publique pour exploiter telle ou telle liaison estimée rentable. Cette dernière étape permettra d’engager du personnel (lequel constitue une part importante du coût du transport) à des conditions inférieures à celle des employés de la SNCF. En effet, les miracles n’existent pas non plus en matière économique: une ligne ne peut produire du bénéfice pour l’entreprise qui l’exploite qu’à la condition d’avoir des coûts d’exploitation inférieurs à ceux de l’entreprise concurrente publique. Cette dernière étape de la privatisation exige cependant de réduire l’endettement de la SNCF lequel, reporté sur les frais de location pour les entreprises privées, constituerait une charge significative dans le coût de production. C’est pourquoi le gouvernement français envisage de reprendre une large partie de l’endettement de la SNCF. Ne voyons donc dans cette mesure aucune bonté d’âme particulière.

Enfin, comme le prix du billet de train actuel est subventionné par les pouvoirs publics et que les normes européennes exigent de traiter de la même manière opérateurs publics et privés, il est probable que si ces subventions sont maintenues, elles s’étendront aux entreprises privées qui réaliseront ainsi une partie de leurs bénéfices avec de l’argent ­public!

En garantissant leur statut aux actuels employés de la SNCF alors que les nouveaux seront engagés selon le droit du travail en vigueur, Macron tente de diviser les salariés qui se battent non seulement pour leurs conditions de travail mais également pour la mission de service public du transport ferroviaire. L’actuel président de la République, qui est sans doute, sous ses apparences centristes, le plus néolibéral des derniers présidents français a une stratégie bien élaborée. Il enchaîne les «réformes»1>L’emploi du terme «réformes» visant à masquer la régression sociale que constitue le projet de l’actuel gouvernement. dans un ordre bien pensé: libéralisation du transport par autocars (voyez l’utilité lors d’une grève à la SNCF!), modification de fond du droit du travail (très opportun pour les futurs engagés de la SNCF), attaque en règle de la plus importante régie publique française.

Mais il serait erroné de penser que la privatisation des activités de la SNCF commence avec Macron. Il suffit de lire l’organigramme du Holding SNCF pour constater que de nombreuses activités de l’entreprise s’effectuent déjà au sein d’entreprises privées, comme, par exemple, la location de matériel ferroviaire.

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* Membre de solidaritéS, ancien député.

Opinions Chroniques Bernard Clerc

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lundi 8 janvier 2018

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