Édito

Services secrets et vieux démons

Services secrets et vieux démons
La paranoïa de la guerre froide s'est matérialisée en Suisse avec la sinistre affaire des fiches et de la P26, la fameuse armée secrète (dont on voit ici l'entrée du bunker). KEYSTONE/ARCHIVES
Services secrets

«Le club secret des services secrets». Dans une enquête parue ce jeudi1>«Club de Berne, der Geheime Club der Geheime Dienste», une enquête de Jan Jirát et Lorenz Naegeli, Wochenzeitung du jeudi 5 mars. www.woz.ch, l’hebdomadaire alémanique Die Wochenzeitung braque la lumière sur une entité aux contours pour le moins inquiétants: le Club dit de Berne. Une sorte de faîtière des services secrets occidentaux. Ceux de l’Union européenne, bien sûr, mais aussi des Etats-Unis, Israël ou d’Australie. Et bien sûr de la Suisse. Hébergé à La Haye, aux Pays Bas, cet organisme se réunit deux fois par an en conclave.

Présenté comme une sorte d’amicale des services de sécurité, ce club n’en gère pas moins des bases de données sur des personnes susceptibles d’agir de manière violente. En toute opacité, donc. Et sans contrôle démocratique réel. Les interrogations de la WOZ se sont heurtées à des refus de communiquer purs et simples. Cela est déjà inquiétant. L’enjeu de la surveillance des surveillants s’est posée dès l’Antiquité. Elle est toujours d’actualité.

En Suisse, c’est évidemment la question de la neutralité qui est posée. Même si ce principe est emprunt d’une hypocrisie certaine. Comment garantir que, au hasard, les Etats-Unis n’utilisent pas cette base de données pour se livrer à quelque assassinat ciblé à l’aide de drones dont ils ont le secret.

Historiquement, ce service secret supra-étatique a été créé en réaction à la montée des mouvements d’extrême gauche dans le sillage de Mai 68. Point alors la paranoïa de la guerre froide qui s’est matérialisée en Suisse avec la sinistre affaire des fiches et de la P26, la fameuse armée secrète. Une opération de blanchiment est en cours pour tenter de réhabiliter ce douteux épisode de l’histoire suisse. On constate plutôt que les vieux démons ont la vie dure. Et en termes d’actualité, les révélations de la WOZ tombent à pic. En début de semaine, aux Chambres, le projet d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur l’affaire Crypto a été balayée sous le tapis. On voit que celui-ci cache d’autres secrets aussi peu ragoutants. Raison de plus pour la gauche de ne pas se laisser intimider et d’exiger des partis bourgeois le minimum de transparence qu’une démocratie digne de ce nom doit à ses ­citoyens.

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