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Science en danger

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Conforté dans ses pouvoirs dictatoriaux par une propagande brutale, le président turc n’a pas mis longtemps à faire supprimer la théorie de l’évolution, c’est à dire l’état de la science en biologie, des programmes scolaires. Il conforte ainsi la victoire de l’obscurantisme religieux rétrograde sur la liberté de savoir et de penser des démocraties. Nul doute que, s’il en avait le pouvoir, Trump ferait de même. La Turquie, jadis laïque malgré sa grande majorité musulmane, rejoint ainsi le cercle des théocraties, musulmanes, chrétiennes, juives ou autres, dans lesquelles des «vérités révélées» de prétendus prophètes, retransmises, déformées et manipulées pendant des siècles par les traditions, orales puis écrites, l’emportent sur l’état vérifiable de la connaissance du monde et de son histoire.

Cette manipulation est comparable à ce que Staline et Lyssenko avaient formulé par la «théorie des deux sciences»: la «bonne science» prolétaire et la mauvaise, bourgeoise. Il suffisait d’étiqueter la génétique «science bourgeoise» pour envoyer les généticiens au goulag et provoquer la catastrophe agricole soviétique. Ainsi, une politique athée pouvait être aussi nuisible, criminelle et liberticide que celles des religions révélées et de leurs inquisitions. Ailleurs, inspirée par les racistes français et les eugénistes étasuniens comme Davenport, la «bonne génétique» nazie a conduit à l’horreur des expériences «médicales» des camps de concentration. Aujourd’hui, en Turquie, la biologie évolutionniste est la science du mal. Celle du «bien», c’est sans doute le délire créationniste islamique du prédicateur Harun Yahya…

La «fenêtre de tir» de la liberté de penser et de chercher à TOUT comprendre, même sans espoir d’y parvenir, est étroite. Elle se rétrécit de manière critique, ici ou là, au cours de l’histoire. Aujourd’hui, religions prosélytes et politiques impérialistes nous disputent le monde. Elles menacent gravement l’Europe, plus encore par le prosélytisme que par le terrorisme. Une interprétation aberrante de la liberté de croire la transforme en liberté d’imposer des croyances dans des communautés ou des familles, alors que cette liberté ne peut être qu’individuelle. La connaissance scientifique ou empirique des comportements humains permet de plus en plus aux marchands, aux politiques et aux prêtres d’abuser des faiblesses de nos cerveaux. Monopolisée par ceux qui cherchent à prendre le pouvoir, elle conduit à la régression de la recherche et à la disparition du partage de ses résultats.

Ce n’est pas un hasard si Trump et son sinistre vice-président attaquent une Europe dont ils ne supportent pas les libertés individuelles et une recherche qui ne dépend pas encore totalement de l’argent, que ce soit en matière de climat ou en sciences humaines. Ils s’entendent mieux avec les coupeurs de têtes saoudiens qu’avec des chercheurs qui leurs montrent le désastre auquel ils conduisent le monde; ou qui leur rappellent que nous descendons de singes, de mieux en mieux documentés, plutôt que des Adam et Eve des mythes.

Des gouvernements soucieux de défendre les libertés devraient affranchir les «démocraties» piégées par l’argent et les propagandes. Ils ne devraient pas avoir de scrupules à lutter contre les mouvements et les individus dont le programme est de les détruire pour les remplacer par des systèmes totalitaires. Dans ceux-ci, des «vérités», révélées ou imposées, remplacent la recherche laborieuse  d’hypothèses testables et de théories scientifiques, par définition incomplètes, provisoires et réfutables. En particulier, considérant les projets sociaux et politiques liberticides des sectes chrétiennes étasuniennes, islamiques ou autres, ainsi que les désastres qu’elles provoquent au Congo, au Brésil, en Inde ou au Proche-Orient, de telles organisations ne devraient pas avoir pignon sur rue dans nos pays. La «liberté pour les ennemis de la liberté» a produit trop de tyrans «élus démocratiquement» pour que nous laissions le champ libre à leurs homologues actuels.

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lundi 8 janvier 2018

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