Édito

Responsabilité de façade

Responsabilité de façade
En janvier 2014, les ouvriers détachés polonais, soutenus par UNIA, avaient débrayé sur le chantier du BATLab aux HUG pour réclamer leurs créances salariales. JPDS
Dumping Salarial

L’arrêt du Tribunal des prud’hommes de Genève rendu public hier par Unia laisse un goût profondément amer. Cette décision, une première en Suisse sur la «responsabilité solidaire» des entreprises faisant appel à des sous-traitants, donne raison à quatre travailleurs détachés polonais ayant été payés 8 euros au lieu de 24,68 francs de l’heure. Mais dans les faits, le cheminement légal qu’on leur demande encore de parcourir leur retire pratiquement tout espoir d’obtenir gain de cause. Et à l’heure de la généralisation des sous-traitances en cascade sur les chantiers, des milliers de travailleurs détachés engagés sur sol helvétique à moindre coût pourraient être confrontés à cette même réalité.

Les Prud’hommes enjoignent en effet les ouvriers lésés, s’ils veulent être payés, à ouvrir une nouvelle procédure en Pologne – pays de l’entreprise qui les a engagés –, puis de revenir en Suisse, avant de s’adresser à la justice allemande – où est domiciliée la boîte qui a sous-traité une partie du chantier destiné aux HUG. Autant dire que la «responsabilité solidaire» préconisée par la Confédération est inapplicable.

Il est tout simplement inadmissible d’exiger que ce soit à des travailleurs exploités de devoir mener quatre procédures dans trois pays différents pour toucher ce que la loi suisse exige de leur payer.

Dans ce cas précis, les ouvriers ont été en bonne partie indemnisés par les HUG. Ce qu’il faut saluer. Mais que ce passera-t-il pour d’autres travailleurs détachés (90 000 en Suisse en 2016)? Pour ceux qui réussiraient – probablement après des années – à prouver avoir été sous-payés mais dont le mandataire final du chantier ne déciderait pas de lui-même de faire un geste?

Un changement législatif responsabilisant réellement les entreprises mandataires et l’instauration d’amendes dignes de ce nom pour les coupables de dumping sont absolument nécessaires. Un projet de loi est annoncé. Mais difficile d’imaginer que la droite, largement majoritaire à Berne et opposée à toute extension des mesures d’accompagnements, lui réserve un bon accueil.

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