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Françafrique, je t’aime moi non plus

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

La Françafrique a bon dos. Lors de discussions, forcément animées, relatives à l’Afrique, il arrive toujours un moment où tombe l’argument massue: «C’est à cause de la France.» La France serait ainsi responsable de tout ce qui peut poser problème dans ses ex-colonies, de tout ce qui peut les empêcher d’émerger, condamnant ainsi une bonne partie de la population à une misère sans issue.

Une posture qui, sur la longueur, finit par lasser un peu. Tant elle semble priver de leur responsabilité propre les responsables et autres décideurs du monde politique, économique, des affaires, de l’administration. La mauvaise gouvernance, le détournement généralisé de fonds publics, la faute à la France? Les dépenses somptuaires des présidences en Afrique francophone, la faute à la France? Le choix des pouvoirs en place de privilégier les membres de leur famille, de leur groupe ethnique, la faute à la France? La décision de nombreux chefs d’Etat de se muer en présidents à vie, la faute à la France?

Rien n’aurait donc changé depuis les années 1960, malgré les efforts de présidents français successifs annonçant pompeusement, dès leur arrivée aux affaires, que «la Françafrique, c’est fini»? Dernier en date, le président Emmanuel Macron. Son discours prononcé le 28 novembre 2017 à l’université de Ouagadougou, devant plusieurs centaines d’étudiants, avait fait grand bruit. Il y avait revendiqué une rupture d’avec la Françafrique, et une volonté de refonder les relations entre la France et le continent africain.

Las. Cela ne sera peut-être pas encore pour cette fois. En séjournant régulièrement en Afrique francophone, on prend en effet toute la mesure de cet assujettissement. Et on est forcé de reconnaître que la part de responsabilité de la France dans la bonne (ou mauvaise) marche de ses ex-colonies n’est pas qu’une commode ritournelle. Sinon, comment expliquer que les représentants de l’élite politique se pressent si nombreux à Paris pour être adoubés par la France, avant même de solliciter le suffrage de leurs compatriotes?

En période électorale, on assiste à un feu d’artifice en matière de Françafrique. Le pouvoir en place comme l’opposition se réfèrent en permanence à Paris, pour montrer qu’ils ont le soutien de la France; ou pour demander aux autorités françaises de prendre position en faveur de tel ou tel. La scène politique se transforme ainsi en décor de théâtre destiné à prouver à Paris que tel président, tel leader de l’opposition, mérite sa confiance pour défendre ses intérêts, importants en Afrique francophone. Y compris vis-à-vis des appétits de la Chine, de la Russie, des Etats-Unis. Avec toutefois le risque, pour les autorités françaises, de s’accommoder de graves violations de la Constitution, du Code électoral, des droits humains. Les citoyens et citoyennes d’Afrique francophone, qui rêvent d’un avenir meilleur, devront encore attendre un peu.

Notre chroniqueuse est journaliste.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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