Chroniques

Eoliennes

Il y a une quinzaine d’années, visitant le barrage d’Emosson, j’avais demandé naïvement à un ingénieur s’il ne craignait pas de voir bientôt les éoliennes lui faire concurrence. J’avoue avoir été vexé par l’éclat de rire qui m’avait répondu: ces hélices ne produiraient jamais qu’une quantité dérisoire d’électricité, et voir en elles une source d’énergie sérieuse pour l’avenir était une utopie!

Aujourd’hui, les marchands d’électricité répètent qu’il n’y a pas de salut hors de l’éolien. Et Alpiq vend ses barrages.

J’habite Ste-Croix. Un parc éolien y est planifié depuis longtemps, que j’ai d’abord considéré avec sympathie: bien sûr il faut développer les énergies renouvelables, bien sûr il faut sortir du nucléaire! Peu à peu cependant, certains faits, locaux ou globaux, m’ont quelque peu irrité le poil des jambes. Voici, entre autres, ce qui m’a fait réfléchir, pour finir par faire de moi un opposant:

• Ce qui était ridicule il y a quinze ans est maintenant admirable! Bizarre? Pas vraiment! Si le rendement énergétique de ces machines reste parfaitement marginal, leur rendement financier a pris l’ascenseur, grâce aux subsides fédéraux! Ce seraient donc les subventions qui feraient tourner les éoliennes, et pas le vent?

• Plus d’éolien ne veut pas dire moins de nucléaire. La consommation d’électricité croît en Suisse de 1,5% par année. Pour compenser cette augmentation, il faudrait, chaque année, construire 217 éoliennes du type Ste-Croix! Dans dix ans, nous aurions 2170 éoliennes sur tout le territoire, sans que la production nucléaire ait diminué d’un kWh!

• Des nuisances affectent les riverains des parcs. (Un document impressionnant sur le sujet a été remis aux autorités vaudoises cet été). C’est pourtant billevesées pour nos promoteurs! «Les émissions (d’infrasons) sont au-dessous du seuil de perception humaine et il n’y a aucune nuisance sur la santé», assène un responsable. Tiens… A Ste-Croix, quelques jours avant qu’on nous consulte au sujet du site, le promoteur admettait que la machine N°1 était trop proche du village, et y renonçait. L’amusant, c’est que depuis on a construit un nouvel hôpital. A douze mètres près, on retrouve la même distance entre ce bâtiment et l’éolienne N°2. Il n’est pourtant pas question d’abandonner celle-ci: il n’y a pas de votation en vue…

• La distance entre éoliennes et zone habitée doit être chez nous d’environ 600 mètres. En Allemagne – pays donné sans cesse en exemple par les pro-éoliens – le Land de Bavière applique la «Loi 10H»: cette distance doit être de dix fois la hauteur de la machine. A Ste-Croix, elles feront 150 mètres de haut. Si l’on appliquait cette loi, il faudrait éloigner le parc de 900 mètres. Ou déplacer le village?…

• Une nouvelle carte des vents indique que «le potentiel le plus fort se trouve sur l’arc lémanique». Pourtant «les régions les plus peuplées ont été d’emblée exclues de toute implantation». Pourquoi? S’il n’y a pas de nuisances ou si peu? Vu la vitesse des vents, une machine implantée sur le Plateau produirait trois fois plus d’électricité que sur nos crêtes.

• Approximations et mensonges sont courants. Un officiel de Ste-Croix affirmait que les éoliennes se trouveraient à 1200 mètres de la ville… il fallait entendre «à 1200 mètres du centre de la ville»… Récemment, un lobbyiste écrivait sans rire dans un quotidien vaudois: «Au Mont-Crosin, quatre turbines seront remplacées et produiront quatre fois plus de courant». Où a-t-il trouvé ce chiffre fantaisiste?

• Je ne vois pas que les pro-éoliens remettent sérieusement en cause le modèle de société. Au contraire, couvrir nos crêtes de générateurs devrait nous permettre de continuer de consommer toujours plus.

• J’en passe, la place me manque… En hiver, pour éviter que des morceaux de glace se forment sur les pales à l’arrêt et soient projetés sur les promeneurs quand la machine se remet en marche, on va chauffer ces pales… avec de l’électricité nucléaire? En Allemagne, plus d’éoliennes signifie plus de centrales polluantes au charbon, puisqu’il faut assurer la continuité de l’approvisionnement lorsque le vent fait défaut…

Cerise sur le gâteau: Mme de Quattro [ministre vaudoise de l’Environnement] qui projette d’ériger 151 machines dans le canton de Vaud, a déclaré dans ces colonnes (le 5 juillet 2016): «… dire à des élus: ‘je ne voterai pas pour toi si tu soutiens l’éolien’, ce n’est pas digne d’une démocratie.» Ah bon! Donc les règles de la démocratie ne doivent pas s’appliquer au problème éolien?

Opinions Chroniques Michel Bühler

Connexion