Édito

C02, c’est pas gagné

Co2, c’est pas gagné
La Loi CO2 est censée concrétiser la Loi sur le climat votée par les Suissesses et les Suisses en juin 2023. KEYSTONE
Climat

«Foin trop n’en paux», comme disait l’humoriste suisse Zouc. Le Conseil des Etats a traité jeudi de la loi sur le CO2. Une législation censée concrétiser la Loi sur le climat votée par les Suissesses et les Suisses en juin 2023 et, plus largement, les objectifs fixés dans l’accord de Paris de 2015. Le dossier retourne au National. Heureusement. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que le texte, tel qu’il ressort de la Chambre haute, contient des lacunes béantes.

Ainsi, la Suisse aimerait bien exporter la charge de la réduction des gaz à effet de serre vers des pays tiers, entendez, les pays pauvres, via le discutable système des certificats de compensation. Une attitude problématique à plusieurs titres. Tout d’abord, il s’agit d’un oreiller de paresse, pour reprendre le terme cher au Conseiller fédéral Guy Parmelin à propos des aides Covid. Il est moralement choquant de demander à des pays du Sud de faire des efforts pour ne surtout pas remettre en question nos modes de vie occidentaux si polluants.

Second obstacle: cette marchandisation de la crise climatique participe du problème – le réchauffement de la planète est une conséquence du capitalisme débridé – et, là, on l’alimente plutôt que d’entamer une rupture systémique qui attaque le mal à la racine.

Enfin, il est prévisible que ces certificats vont donner lieu à des trafics divers et variés, sans véritablement réduire la production de CO2. Les Sénateurs ont même buté sur la part des émissions de gaz à effet de serre qui pourrait de la sorte être exportée. Le National l’a évaluée à 25% (le solde de l’effort devant être réalisé intra muros) mais les sénateurs ont préféré rester dans le flou artistique. De même, ils ont refusé d’intégrer le poids – énorme! – du secteur financier dans l’équation. Rien que les placements de la Banque national doublent en fait les émissions de CO2 générées par la Suisse, comme l’avait révélé une étude commanditée par les Artisans de la Transition.

Consternant, lorsque l’on sait qu’en vertu de l’Accord de Paris, la Suisse devra avoir réduit de 50% ses émissions de CO2 d’ici 2030, pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Gouverner c’est prévoir, dit l’adage. La Chambre haute donne plutôt l’impression de naviguer en regardant dans son rétroviseur, tétanisée par l’échec de la précédente Loi sur le CO2 en juin 2021 et soucieuse de ne froisser aucun lobby. Mais incapable d’appréhender la gravité de la situation et de la nécessité de donner des impulsions autrement plus volontaristes que cette politique à la petite semaine.

Opinions Édito Philippe Bach Climat Loi sur le CO2 Loi suisse

Connexion