Édito

Bas les masques

Bas les masques
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Coronavirus

Trois semaines après l’annonce par le Conseil fédéral des mesures de semi-confinement, nous observons un glissement sémantique chez les autorités politiques et sanitaires concernant le port du masque. Jusqu’ici, le message officiel était de dire que le masque chirurgical ne sert à rien, sauf pour les personnes atteintes du Covid-19 et pour les soignants en contact avec des malades. Et encore, pour ceux qui procèdent à des gestes invasifs (qui nécessitent le FPP2).

Pire: mal utilisés, les masques pourraient même être dangereux. Une rhétorique très éloignée de celle qui a cours dans d’autres pays européens, et singulièrement en Asie, où le port du masque est obligatoire.

>>> Lire notre dossier: La Suisse n’avançait pas masquée 

Il apparaît que les autorités ont adapté leur discours en fonction des stocks disponibles. Le jour même où un avion en provenance de Shanghai transportant 2,5 millions de masques atterrissait à Cointrin, le médecin cantonal genevois avouait qu’il avait fallu faire des choix parce qu’il n’y avait pas suffisamment de masques pour équiper l’ensemble de la population. Jérôme Pugin, médecin-chef des soins intensifs aux HUG, relevait qu’à défaut de masque, un foulard était mieux que rien.

Faire figurer le port du masque dans les recommandations de l’OFSP aurait, du fait de la pénurie, obligé un certain nombre d’entreprises et d’industries non essentielles à fermer. A contrario, les autorités ont délégué au bon vouloir des entreprises la protection de celles et ceux dont les tâches sont indispensables au bon fonctionnement de notre société: vendeuses, assistantes médicales, pharmaciens, sages-femmes, livreurs, éboueurs, conducteurs de bus, policiers, etc.

Rappelons-nous que Migros et Coop ont interdit aux caissières de porter le masque. Combien, parmi les personnes actuellement hospitalisées, ont été contaminées dans le cadre de leur travail? La question ne connait pour l’heure pas de réponse.

Les interrogations posées par la gestion de la crise actuelle ne doivent pas faire oublier les failles de son anticipation. En octobre dernier, le rapport 2019 sur le stockage stratégique indiquait que 745’000 masques FFP2 seraient nécessaires pour les douze premières semaines d’une vague pandémique, que la Suisse n’en comptait que 166’800, et pourtant concluait au statu quo. Avec à la clé une économie de quelques millions de francs. Et dire qu’une majorité politique s’évertue à investir des milliards dans des avions de combat qui n’auront aucune utilité, alors que les respirateurs, masques, thermomètres, réactifs, médicaments et gel désinfectant font actuellement défaut.

Désormais les autorités affirment que le masque ne suffit pas. Tout est dans la nuance. Dans l’intervalle, elles auront perdu encore un peu de leur crédibilité. La nomination d’une task force scientifique pour maîtriser l’épidémie qui décidera à leur place n’y est sans doute pas étrangère.

Opinions Édito Christiane Pasteur Coronavirus

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