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Le débat sur l’asile au National fait des vagues

Agora Épigramme • Le socialiste neuchâtelois Matthieu Béguelin répond par la satire à la prise de position du conseiller national Alain Ribaux en matière d’asile, débatteur à Forum RTS du 12 juin.

A la veille du débat du Conseil national sur la révision de la Loi sur l’asile le 13juin dernier, l’émission Forum de la RTS a invité Claude Ruey, ancien conseiller national (PLR/VD) et président de l’EPER (Entraide protestante suisse), ainsi qu’Alain Ribaux, conseiller national (PLR/NE), pour débattre de cette refonte visant à accélérer les procédures et à durcir les conditions d’octroi de l’asile en Suisse. Ancien juge, Alain Ribaux – qui a notamment travaillé entre 1995 et 1996, au sein du Tribunal pénal international pour le Rwanda – a défendu sur les ondes et lors des débats à la chambre basse la grande majorité des durcissements prévus, à savoir: la preuve des persécutions à apporter pour les déserteurs, la création de centres spéciaux pour emprisonner les requérants qui troublent l’ordre public, l’octroi de la seule aide d’urgence aux requérants durant la procédure, la suppression du droit au regroupement familial pour les réfugiés statutaires et la suppression de la possibilité de déposer une demande d’asile auprès des ambassades à l’étranger. Profondément choqué par ses prises de position, Matthieu Béguelin, député au Grand Conseil et président du Parti socialiste section Ville de Neuchâtel où il est conseiller général, réagit. Réd.

Ballade à deux «R», Rousseau et Ribaux

Matthieu Béguelin

Si Jean-Jacques Rousseau, dont on fête le tricentenaire de la naissance, venait aujourd’hui chercher asile chez nous, comme avec 250ans de retard, que lui arriverait-il suite au durcissement de la loi sur l’asile ces derniers jours? A Neuchâtel, un dénommé Ribaux, ancien juge reconverti en parlementaire sycophante pourfendeur de cosmopolites, lui expliquerait ceci:

«Vous devez, Sieur Rousseau,
lui dirait le beau Ribaux,
aller vous faire lapider d’abord
ou vous faire torturer, mieux encore
Car pour qu’on vous croie persécuté,
Il nous faut la preuve des atrocités.
Et, inutile de déranger Du Peyrou
Nous avons une chambre pour vous
Vous y verrez toute la ligne d’horizon
Il y a une belle vue à la tour des prisons.
C’est que, les autres logis sont tous pris,
Se justifiera l’élu voyant Rousseau aigri.
Pour ce qui est des moyens de subsistance
Vous aurez chaque jour une seule pitance
Et aucun argent, tout au plus un médicament,
Si votre état de santé le réclame vraiment.
C’est mince, mais c’est mieux que rien
Lâcha le magistrat qui ne se sentait pas bien.
Oh, j’allais oublier, se ressaisit l’édile,
Pour votre fiston, votre jeune Emile
Inutile de vouloir le faire venir ici
On évite de regrouper les familles
Et puis vous pourrez le voir en vacances
Si un jour vous retournez en France.
Après-vous, lui lança Ribaux
Tenant la porte du cachot
Je vous fais porter de la paille
Désolé, mais faut que j’y aille
J’ai comme un truc sur l’estomac
Et rien n’y fait, ça ne passe pas.
– Je peux vous dire ce que vous avez!
lança Rousseau au bourgeois éberlué
– ce qui vous pèse ainsi, c’est cet habit
pas celui que vous portez là, ici
mais la tunique de bourreau
que vous endossez, mon beau.
Celle qui vous fait perdre de vue
Qu’aucune loi ne sert la vertu
Si elle ne sert pas l’idéal humain
Et qu’il n’y en a absolument rien
Dans ce que vous m’avez conté
De votre étrange hospitalité.»

Sur ce, Rousseau tourna les talons et repartit en France où il fut emprisonné et exécuté peu après. On ne connut jamais Les Rêveries du Promeneur solitaire, ni Les Confessions.

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