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«Vol spécial» à la Constituante

AGORA GENEVE • «L’éligibilité communale des étrangers a été refoulée», s’indigne le collectif ViVRe, après le récent refus de la Constituante d’inscrire ce droit dans son avant-projet.

La décision prise en première lecture le 20 septembre dernier par la majorité de la Constituante jette aux oubliettes la maigre avancée en matière de droits politiques des étrangers jusqu’ici concédée dans l’avant-projet. Notre collectif est scandalisé.
D’abord, un amendement d’origine PDC-UDC, voté en bloc par la droite, arrache par 37 voix contre 36 aux étrangers résidant légalement depuis plus de huit ans en Suisse l’intégralité des droits sur le plan communal figurant à l’avant-projet (art.47 al.2). Après avoir ainsi fait litière de l’éligibilité de ces derniers, l’Assemblée rétablit néanmoins (al.2bis) leur droit de vote1. Enfin, un amendement, PDC toujours à la manœuvre, exige du Conseil d’Etat, à 33 voix contre 23 et 19 abstentions, de soumettre l’éligibilité séparément au peuple, dans un délai de deux ans suivant l’adoption du projet ainsi amputé de tout progrès.
Effacer de la charte fondamentale une modeste avancée concrète acquise dans pratiquement tous les cantons romands (FR, JU, NE, VD) pour la reléguer dans une disposition transitoire témoigne d’un total dédain pour l’importante communauté étrangère de Genève. Comment des démocrates, chrétiens ou non, peuvent-il ainsi dénaturer l’inspiration d’un préambule proclamant, en partie sous notre aiguillon, la fierté que Genève tire de la diversité de ses apports?
A fortiori, comptable pour un horizon de nombreuses législatures, l’Assemblée constituante genevoise n’a pas le droit d’évacuer ses responsabilités en matière de périmètre civique et continuer d’exclure 40% de la population de l’essentiel des décisions démocratiques locales, du ressort du canton (fiscalité, logement, éducation, transports, etc.).
Nous constatons l’hypocrisie de coalisés du jour qui font flèche de tout bois et prétextent là du rejet vaudois d’avancées en matière de droits cantonaux, ici de la moindre toute faiblesse d’une participation des étrangers aux deux premières municipales de leur histoire, pour escamoter la mince avancée communale. Nous renvoyons pour le suivi au site www.campagnevivre.ch.
Les vertueuses exhortations au statu quo pour éviter le rejet de la nouvelle constitution ne peuvent couvrir des marchandages conjoncturels pour les élections nationales. Cet argument met plutôt en lumière le renoncement actuel des groupes du centre droit et de la droite économique à se distancer clairement du climat de peur et de rejet des étrangers distillé par les partis xénophobes et à oser courageusement en prendre le contre-pied. Cette démission attise de fait les tensions envers toute une partie de la population essentielle à notre richesse économique, sociale et culturelle. Les hésitations à la gauche de l’échiquier à faire une ligne rouge de l’extension des droits élémentaires politiques des étrangers découlant de la vie commune achèvent enfin de laisser le champ libre à cette abdication.
Nous avons appelé les constituants abordant la première lecture à l’audace2. Faut-il au vu du résultat baisser les bras? Assurément non, deuxième lecture et batailles sur le projet final sont devant nous.
Au-delà de l’indignation au sujet de cette volte-face, nous refuserons obstinément d’opposer le préalable de la nationalité fédérale, transmissible par filiation et porteuse d’autres valeurs, droits et devoirs, à la pleine et entière participation des étrangers aux décisions affectant prioritairement leur cadre de vie. Nous attendons donc toujours que l’Assemblée constituante s’engage en faveur de la plénitude des droits civiques communaux et cantonaux des étrangers, et que ces avancées fassent partie intégrante du projet qui sera soumis au peuple en octobre 2012. Sans avancée significative, le Collectif ViVRe ne pourra pas soutenir le projet de Constitution et le fera savoir publiquement.

* Au nom du groupe de pilotage du collectif ViVRe (Vivre Voter Représenter).
1 Amendement PDC, accepté à deux rejets et une abstention près, omettant, peut-être par mégarde, d’y inclure le droit d’initiative et de référendum.
2 www.campagnevivre.ch/2011/09/14/lettre-ouverte-a-la-constituante/

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Constitution

mercredi 16 mai 2012

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