Édito

#Balancetonpauvre

Flicage

Mieux vaut être terroriste que pauvre en Suisse. Vos droits seront  mieux défendus. Le Conseil des Etats a voté jeudi un durcissement du droit fédéral qui permet d’espionner les personnes qui seraient au bénéfice des prestations d’une assurance sociale. Le dossier va maintenant être étudié au niveau du Conseil national.

Le but est de permettre un flicage généralisé de ces assurés qui seront traités comme des criminels. La Chambre haute a ouvert la porte jeudi à des pratiques permettant aux assurances d’engager des détectives privés. Ces derniers auraient le droit d’utiliser des traceurs GPS ou des micros directionnels. Gare à qui se montrerait trop bavard sur son balcon. Et si l’on habite au rez-de-chaussée, il ne sera pas à l’abri d’une camera HD. Big Brother is watching you!

Cette modification législative a été lancée précisément parce que la Cour européenne des droits de l’homme avait mis le holà à ces pratiques de fouines. Ceci en raison d’un manque de bases légales. Qu’à cela ne tienne, les sénateurs sont en train de combler le vide juridique plutôt que de s’interroger sur la pertinence de ces mesures.

La gauche a bien tenté de mettre un semblant d’ordre juridique dans cet arsenal liberticide. Par exemple en prévoyant qu’elles soient conditionnées au feu vert d’un juge. En vain. Seul a été accepté un regard du pouvoir judiciaire lors de la pose d’un mouchard électronique sur le véhicule

Ce sont des centaines de milliers de personnes qui sont concernées. Tous les bénéficiaires de l’AI, de l’assurance-chômage ou des prestations complémentaires. Et leurs proches. Une incroyable intrusion dans la sphère privée de ces personnes qui ne semble pas gêner grand monde sur les bancs bourgeois. Si cette loi passe, une personne soupçonnée de terrorisme ou un criminel auraient droit à davantage de garanties qu’un pauvre, relève le Parti socialiste…

On a connu meilleure application du principe de proportionnalité. Et on relèvera que la criminalisation de la pauvreté induite par ce type de soupçon généralisé a un pendant: l’impunité accordée à la fraude fiscale. Mais cette dernière est jugée vertueuse par les mêmes qui veulent débusquer les pauvres jusqu’au fond des chiottes, pour paraphraser le président russe Vladimir Poutine. Les Paradise papers? Des pratiques dignes de Vichy, ont tonné ces vaillants défenseurs des droits fondamentaux. Pourtant, en France, des études ont montré que la fraude sociale représente quelque 300 millions d’euros de pertes par année, alors que les montants de la fraude fiscale avoisinent les 50 milliards. On a les priorités qu’on mérite.

Opinions Suisse Édito Philippe Bach Flicage

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