Chroniques

L’axe Riad-Tel Aviv

AU PIED DU MUR

Depuis la création de l’Etat d’Israël, on parle d’un «conflit israélo-arabe»: d’un côté Israël, de l’autre les Etats arabes. Cette réalité est depuis longtemps dépassée. En fait elle n’a jamais vraiment existé: il suffit d’examiner les relations entre l’Etat hébreu et le Royaume hachémite de Jordanie, et ce depuis avant même la création d’Israël. Avec la signature des traités de paix israélo-égyptien (1979) puis israélo-jordanien (1994), les relations plus ou moins secrètes sont devenues officielles.

Il en est de même aujourd’hui des relations entre Israël et plusieurs Etats de la péninsule arabique, en particulier l’Arabie saoudite. La visite, il y a moins d’un an, de Donald Trump à Riad a certes été l’occasion pour celui-ci de faire d’excellentes affaires et de vendre des armes pour plusieurs dizaines de milliards de dollars, mais aussi de renforcer l’alliance stratégique entre les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et Israël.

Le dénominateur commun entre ces Etats est leur hostilité face à l’Iran et ses alliés. Cet antagonisme est souvent décrit dans les médias comme un conflit entre l’axe sunnite et l’axe chiite, faisant d’un conflit éminemment politique une nouvelle guerre des religions. En fait, c’est la puissance croissante de l’Iran qui effraie à la fois Washington, Riad et Tel Aviv. Depuis les années quatre-vingt, Benjamin Netanyahou en fait une véritable obsession, appelant désespérément la communauté internationale non seulement à prendre des sanctions contre Téhéran, mais aussi à détruire le régime iranien par une guerre. Comme Caton en son temps, il répète à chaque discours national comme à la tribune des Nations Unies que l’Iran doit être écrasé. Longtemps au cœur de la stratégie de guerre globale et préventive des néo-cons étatsuniens, cette obsession explique l’aveuglement de Netanyahou vis-à-vis de Daesh… sous-produit de la monarchie saoudienne.

Quand les grandes puissances ont compris le danger que représentait Daesh et qu’il était impératif de l’écraser, elles n’ont pas hésité à changer d’attitude envers Téhéran, et à intégrer l’Iran et son allié syrien dans leur guerre contre l’Etat islamique. Le monde de Netanyahou s’est alors écroulé: voilà que l’Iran et la Syrie font partie de l’«axe du bien» – le monde à l’envers pour le néo-cons de Tel Aviv!

Le premier ministre israélien s’est donc rapproché de l’Arabie saoudite, en l’encourageant à créer un axe sunnite contre la menace chiite.

Avec la venue au pouvoir de Donald Trump, Netanyahou a retrouvé un allié de poids dans sa stratégie anti-iranienne. L’actuel président étasunien abonde ces derniers mois dans les déclarations hostiles, voire menaçantes contre l’Iran.

La mise en déroute de Daesh est vécue par l’administration israélienne comme un retour a la normale, et la possibilité de reprendre l’offensive contre l’Iran, en frappant ses alliés libanais, en particulier le Hezbollah. C’est ainsi qu’il faut comprendre la «prise en otage» de Hariri par les Saoudiens, et ses déclarations provocatrices contre le Hezbollah, dès son retour a Beyrouth.

La puissance de riposte du Hezbollah devrait pourtant faire réfléchir Netanyahou sur l’opportunité d’une montée de la tension au nord d’Israël. C’est en tout cas ce que lui suggèrent ceux qu’on appelle dans nos médias «des sources sécuritaires».

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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