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Il n’existe pas encore d’avion long-courrier qui ne soit pas très bruyant

Pollution de l’air, impact climatique, bruit… Nigel Lindup, président de l’Association des riverains de l’Aéroport de Genève, revient sur les enjeux socio-environnementaux soulevés par le plan d’exploitation et de développement (PSIA) de l’aéroport de Cointrin.  
Genève

Le projet de Plan sectoriel d’infrastructure aéronautique (PSIA) pour Genève est soumis à la consultation publique jusqu’au 8 janvier 2018, date limite pour les commentaires des citoyen-ne-s et associations1 value="1">https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-68793.html. Pour le ministre de tutelle de Genève Aéroport, Pierre Maudet, le PSIA constituerait un «contre-projet» à l’initiative2 value="2">L’initiative «Pour un pilotage démocratique de l’Aéroport de Genève» a été présentée le 16 décembre 2016 munie de 14 450 signatures de la Coordination régionale pour un aéroport urbain respectueux de la population et l’environnement (CARPE), une affirmation que je ne peux pas laisser passer sans commentaire.

Le respect prôné par la CARPE, qui regroupe une vingtaine d’associations environnementales ou d’habitants, est absent du PSIA. Notre initiative vise une gestion démocratique du développement de l’aéroport, tandis que le PSIA vise uniquement son développement, imposé depuis Berne et adoubé par ceux qui pilotent l’aéroport à Genève, avec à la clé des conséquences néfastes pour la rive droite, la rive gauche, et la France voisine.

Pour la Confédération, le développement de l’aéroport doit suivre surtout la demande économique. Les principes du développement durable sont cités comme un vœu pieux. De nombreux chantiers sont prévus, y compris le pharaonique «Cointrin Vision» pour 3 milliards de francs, ressuscité devant nos yeux alors que l’aéroport nous a fait croire qu’il était bel et bien enterré. Les chapitres sur le respect de l’environnement ne parlent pas des impacts nocifs des chantiers eux-mêmes.

Pourtant, la pollution de l’air cause des milliers de morts prématurées en Suisse. Au contraire, le document admet une augmentation des émissions de l’aéroport en oxydes d’azote, au risque d’annuler les efforts entrepris à cet égard sur le reste du territoire cantonal. De même, le PSIA tolère à moyen terme une pollution de l’air «excessive», mais – ignorant la fâcheuse tendance de la pollution à ne pas respecter les limites imposées par les gouvernements – uniquement à proximité de l’aéroport. Pour le long terme, Berne se contente d’encourager le canton à veiller à ce que l’Ordonnance sur la protection de l’air puisse être respectée.

Paradoxalement, la tant vantée réduction de l’usage des voitures pour se rendre à l’aéroport passe par un élargissement de l’autoroute et la construction de nouvelles places de parc; entre-temps, Berne mandate une expansion des transports publics, financée par les contribuables genevois-e-s, mais qui répondra uniquement aux besoins de l’aéroport, et non pas à nos besoins quotidiens.

Si l’aéroport martèle depuis des mois que le chiffre de 25 millions de passagers ne serait pas un objectif en soi, le PSIA nous informe qu’au lieu des 40 mouvements par heure actuels, l’objectif est bien d’en viser 47. Aucun nouveau couvre-feu à l’instar de Zurich (23h30) – au contraire, l’aire Nord augmentée sera en service jusqu’à 00h30 (avec la «demi-heure de grâce»), et on nous promet de surcroît encore 3 vols long-courrier nocturnes. On a beau nous rassurer que ceux-ci s’effectueront uniquement avec les avions «les plus performants au niveau acoustique», il n’existe pas encore d’avion long-courrier qui ne soit pas très bruyant car très lourd, avec son plein de passagers et de kérosène. Par ailleurs, Berne n’impose plus aux compagnies de planifier les vols de nuit «avec grande retenue».

Je laisse à d’autres l’analyse technique des courbes de bruit. Je noterai seulement qu’en cas de dépassement des niveaux admissibles de bruit, si les mesures correctives proposées par l’aéroport se révèlent impraticables pour des raisons techniques, opérationnelles ou économiques, ces niveaux pourront être modifiés!

Tout cet argent, tous ces désagréments et nuisances, tous ces avions… pourquoi? Ce ne sont pas les besoins en matière de santé et d’environnement de la population qui sous-tendent le PSIA, ni les besoins économiques locaux, mais ceux des compagnies aériennes. «On ne pourra pas, dit M. Maudet, avoir tous les vols à n’importe quelle heure, avec n’importe quel impact». Nous prenons bonne note de cette évolution dans la pensée politique cantonale, et attendons avec impatience de connaître les procédures qui seront utilisées pour faire les choix politiques nécessaires.

L’initiative de la CARPE demande l’ancrage de l’aéroport dans la Constitution genevoise à l’instar d’autres installations clés du canton; la confirmation du statut public de l’aéroport, afin d’écarter le risque de privatisation à la zurichoise; l’obligation faite à nos élu-e-s d’imposer à l’aéroport des mesures efficaces destinées à assurer le respect dans les faits des articles de la Constitution sur la santé et l’environnement. En vue d’une votation probable au cours de 2018, la CARPE organise une série de réunions publiques d’information, prochainement à Vernier et Meyrin et, en 2018, à d’autres communes (voir http://carpe.ch/events/). Bienvenue au débat.
 

Notes[+]

Président de l’Association des riverains de l’Aéroport de Genève (ARAG).

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