Genève

Lutter, même pour des miettes

La coïncidence interpelle. A Genève, deux conflits sociaux se sont successivement débloqués. Lundi soir, le projet de délocalisation d’ABB Sécheron a été suspendu, comme, mardi matin, celui d’externalisation des EMS Notre-Dame et Plantamour. Il n’y a donc plus de grèves en attendant le résultat des groupes de travail respectifs.

Les défenseurs de la-paix-du-travail-qui-fait-le-succès-de-la-Suisse y verront la confirmation d’un partenariat social qui fonctionne. La réalité est pourtant moins rose et les deux contextes assez différents.

A propos de la volonté d’externaliser les services d’hôtellerie en EMS, les pressions conjointes du personnel des résidences concernées et d’autres, solidaires de ces dernières, de directeurs d’établissements et du Grand Conseil auront eu raison des louvoiements du conseiller d’Etat Mauro Poggia et de la détermination de la direction. L’affaire dépasse le cas de ces deux EMS, puisque c’est le cadre global qui sera réétudié. Les partenaires et l’Etat doivent maintenant décider s’il est vraiment opportun de laisser l’hôtellerie filer en mains privées, au risque de prestations et de conditions de travail détériorées. La mobilisation a jusque-là payé. A voir, dans quelques semaines, si l’essai sera transformé.

Loin de ce conflit syndical qui implique un employeur semi-public, l’accord de lundi soir entre ABB Sécheron et ses 210 employés genevois ressemble beaucoup plus à un maigre lot de consolation pour ces derniers. Car ce conflit est exemplaire de l’impuissance des salariés et des pouvoirs publics face à une multinationale décomplexée. Celle-ci, largement bénéficiaire, cherche seulement à maximiser ses profits en délocalisant en Pologne.

A l’image des six mois de salaire que les employés qui seront laissés sur le carreau semblent avoir obtenus à la place de rien, l’espoir sur le maintien d’un nombre important d’emplois à Genève est assez maigre. Surtout, l’accord a été signé au forceps: au-dessus de la table des négociations planaient des lettres de licenciement prêtes à partir pour sanctionner l’arrêt de la production. Car la CCT de l’industrie des machines interdit expressément la grève. C’est le serpent qui se mord la queue: pour infléchir un employeur intraitable, le personnel ne peut que peser «illégalement» sur son chiffre d’affaires, ce qui le force ensuite à avaler d’énormes ­couleuvres.

On mesurera encore en fin de semaine l’impuissance des autorités face à de grands groupes privés. Le Grand Conseil devrait jeudi ou vendredi se contenter de demander au Conseil d’Etat de faire pression sur Tamedia pour garder quelques journalistes à Genève. L’éditeur tremble déjà…

Opinions Régions Genève Édito Rachad Armanios

Connexion