Chroniques

Chevron-Texaco en Equateur: un désastre écologique emblématique

À votre santé!

On imagine facilement, depuis la Suisse, l’Amazonie comme un petit coin de paradis, un lieu d’une biodiversité importante avec de nombreux oiseaux multicolores et de multiples rivières poissonneuses. Ne dit-on pas que c’est le poumon de la planète ?

Pourtant dans la zone amazonienne équatorienne où l’entreprise Texaco (rachetée en 2001 par Chevron) s’est installée dans les années 1960, cette image idyllique n’a rien à voir avec la réalité des quelque 120 000 habitants qui y vivent actuellement.

Déjà dans les années 1970, ceux-ci ont commencé à souffrir de maladies qu’ils ne connaissaient pas jusqu’alors, surtout intestinales et de la peau. Ils avaient bien constaté que les eaux étaient recouvertes d’une couche de pétrole, mais Texaco affirmait qu’ils pouvaient l’utiliser comme toujours, à la fois pour se laver et laver le linge, mais aussi pour la boire. Ce n’est que bien plus tard, dans les années 1990, que la contamination a été reconnue et que l’on a pu démontrer que les techniques d’extraction et de stockage des déchets utilisées n’avaient rien à voir avec celles en vigueur aux Etats-Unis: tous les déchets étaient rejetés dans les rivières et dans les eaux souterraines. L’ensemble du territoire, d’une surface équivalente à la moitié de la Suisse, a ainsi été contaminé. Ce n’était pas grave, puisque c’était le Tiers-monde! Encore maintenant, cette population vit dans ce que d’aucuns appellent le «Tchernobyl pétrolier». De nombreuses études ont révélé d’alarmantes teneurs en plusieurs substances toxiques et établi des liens entre une surmortalité liée à certains cancers, ainsi qu’un nombre anormalement élevé de fausses couches en comparaison avec la moyenne nationale. Les habitants, qui ont désormais pris conscience de la contamination de leur milieu de vie, réclament justice depuis plus de 25 ans. Mais Chevron, avec son armée d’avocats, essaie par tous les moyens de contourner ses responsabilités: d’abord en refusant, moyennant des procédures qui ont duré 9 ans, que le procès se déroule aux Etats-Unis – où la firme a son siège –; puis, après avoir accepté qu’il se déroule en Equateur, en s’opposant au verdict confirmé par la Cour suprême de ce pays en 2013. Celle-ci condamnait la compagnie à payer 9 milliards de dollars d’indemnités afin d’assurer la décontamination et permettre à la population locale de trouver une solution à ses problèmes de santé et de production vivrière. Depuis lors, la bataille juridique se poursuit, désormais au Canada, pour essayer d’obliger Chevron a payer la somme due. Mais Chevron continue à nier sa responsabilité, allant même jusqu’à financer des études médicales d’apparence très sérieuses afin de délégitimer d’autres (Cela ne vous rappelle-t-il pas Philip Morris et le tabagisme passif?).

Tout ceci doit nous faire réfléchir à la responsabilité sociale des multinationales et, comme on le voit, à leur impunité, elles qui sont passées maîtres dans l’optimisation fiscale. Saviez-vous que les deux tiers des filiales de Chevron sont basées dans des paradis fiscaux? L’argent des actionnaires, une fois de plus, vaut davantage que la santé des gens!

Ce cas, comme tant d’autres, donne tout son sens à l’initiative populaire pour des multinationales responsables déposée cette année.

En attendant, les populations de l’Amazonie équatorienne continuent à souffrir d’un accès restreint aux soins, pourtant en principe garantis par l’Etat. A la demande d’organisations locales, la Centrale Sanitaire Suisse romande (CSSR) soutient la formation de travailleurs à la promotion de la santé, mais aussi à la détection de maladies chroniques, en particulier certains cancers fréquents dans cette zone, ainsi qu’à l’accompagnement des malades.

Une aide modeste, mais qui soutient ces populations fragilisées au quotidien et leur donne peut-être l’élan nécessaire pour poursuivre leur lutte!

Opinions Chroniques Bernard Borel

Chronique liée

À votre santé!

lundi 8 janvier 2018

Connexion