On nous écrit

Cela ne concerne que les États-Unis

Philippe Beck commente un sujet repris du Monde diplomatique.
Liberté d’expression

Dans Le Courrier du 3 novembre, reprenant un article du Monde diplomatique, M. David Cole défend une liberté d’expression sans limite aucune, en dépit des dérapages verbaux de plus en plus fréquents que connaît son pays. «Opposer liberté et égalité conduit à une impasse», selon lui. Or ses propos me paraissent tout à fait inappropriés, du moins dans une optique suisse.

Certes, les Etats-Unis se sont faits les champions de la liberté d’expression, garantie par le 1er amendement à leur Constitution, promulgué en 1791. Mais cet amendement vise à limiter les pouvoirs du Congrès étatsunien , éventuellement aussi – par extension, controversée d’ailleurs – des autres pouvoirs législatifs des Etats et de l’exécutif fédéral.

M. Cole ne prétend pas autre chose, en écrivant par exemple: «Nous nous trahirions nous-mêmes en autorisant nos dirigeants à gommer les points de vue qui leur paraîtraient inappropriés, erronés ou offensants.»

Certes. Mais tout autre est le mécanisme prévalant en Suisse, où la norme pénale interdisant les propos racistes tenus en public est inscrite dans le Code pénal (art. 261 bis). C’est donc à l’appareil judiciaire, et nullement au gouvernement ou aux Chambres fédérales, qu’il appartient de déterminer quels agissements tombent sous le coup de cette norme pénale. Les «inégalités de traitement» que dit craindre M. Cole sont par conséquent très improbables en Suisse, les institutions judiciaires – et particulièrement leur dernier «étage», le Tribunal fédéral, étant soigneusement construites de manière à éviter toute prise de pouvoir partisane en leur sein.

Lorsque M. Cole écrit: «Pourquoi donc les minorités confieraient-elles aux représentants de la majorité le soin de décréter quels discours doivent être bannis ou permis?», ou encore: «On ne gagnerait rien à laisser l’administration Trump – ni celle d’un Obama, d’ailleurs – contrôler ce qui peut être dit ou doit être tu», on peut lui donner raison… mais cela ne nous concerne en rien – même en remplaçant les noms de MM. Trump et Obama par ceux de nos fugaces présidents de la Confédération, voire par le Conseil fédéral tout entier…

Aux lecteurs, donc, de réaliser que cet article, intéressant certes, ne concernait rigoureusement que les Etats-Unis – et ne justifierait nulle remise en cause de la norme pénale antiraciste telle que nous la connaissons ici, heureusement!

Philippe Beck, Morges

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