Égalité

Changement d’époque

Harcèlement

Les accusations formulées par d’anciennes élèves à l’encontre de Tariq Ramadan, alors qu’il était leur professeur, inciteront-elles à un grand déballage, à Genève comme ailleurs en Suisse? Souhaitons-le. N’en déplaise à ceux qui craignent d’être éclaboussés par un phénomène, à l’ampleur inédite, de libération de la parole féminine face au harcèlement, aux intimidations et abus sexuels de toute sorte.

C’est un ras-le-bol qui s’exprime aujourd’hui à coups de hashtags sur les réseaux sociaux, dans la rue, à travers des documentaires ou des expositions, comme celle présentée en ce moment même à l’Usine par l’artiste américaine Tatyana Fazlalizadeh. Les violences faites aux femmes quittent la sphère privée et les statistiques pour s’ancrer dans le vécu, le collectif, et devenir une question de salubrité publique, dont se saisit une nouvelle génération féministe.

Car cette violence, qu’elle soit gratuite, prenne la forme de pseudo-rapports de séduction ou se dévoile à la faveur de liens de subordination ou de dépendance, constitue le quotidien des femmes, partout et de tout temps. Et la propension de certains à minimiser ces rapports de domination en devient d’autant moins tolérable. A l’instar de la mansuétude dont ont fait preuve jusqu’ici les élites politico-économico-médiatiques vis-à-vis des DSK, Denis Baupin, Bertrand Cantat, Roman Polanski, Woody Allen, Harvey Weinstein, Bill Cosby et autres David Hamilton pour ne citer que quelques personnalités connues.

Le «name and shame» (nommer pour couvrir de honte), comme disent les Anglo-Saxons, n’est certes pas la panacée et comprend un risque non négligeable de dérapage. Il est surtout la preuve d’un dysfonctionnement, d’un cadre réel où la parole des victimes n’est pas entendue. Même lorsqu’elle est déposée, une plainte a peu de chances d’aboutir. Voire peut se retourner contre la victime elle-même. L’acquittement, mercredi dernier en Seine-et-Marne, d’un homme jugé pour le viol d’une fille de 11 ans, à cause d’une faille dans la loi, prouve que le chemin sera encore long.

Cette rébellion par les témoignages constitue une première étape. Pour la faire fructifier, un travail de longue haleine mérite d’être engagé. Il passe en premier lieu par une parole claire, sans tabou, dans les écoles bien sûr, mais aussi au sein des familles et sur les lieux de travail. Ce qui signifie, pour les autorités politiques, investir dans l’éducation, la prévention, mais aussi adapter la législation afin de sanctionner l’abuseur, et non de se débarrasser de sa victime, comme c’est si souvent le cas. Pour que la peur change de camp. Et la honte aussi.

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