Chroniques

Autodétermination

Les mois de septembre et d’octobre ont chacun été marqué par des votes de référendum portant sur l’indépendance des deux régions concernées: le Kurdistan irakien, le 25 septembre, et la Catalogne, le 1er octobre. On a «bien sûr» beaucoup plus parlé sous nos latitudes du deuxième que du premier. Pourtant, dans les deux cas, ces expressions de volonté populaire – dont l’issue n’était pas certaine d’avance – ont fait l’objet d’une réaction très brutale des gouvernements centraux, opposés totalement à ce qu’ils ont appelé une sédition, voire une rébellion!

Au Kurdistan irakien, Bagdad – soutenu par l’Iran et la Turquie, tous deux ayant une peur bleue d’une possible extension de ce désir d’indépendance dans leurs propres zones kurdes – a envoyé ses troupes et ses milices occuper militairement les territoires conquis par les Kurdes en 2003 à la chute de Saddam Hussein. Devant l’échec, le président de cette région autonome de facto, Massoud Barzani, a démissionné alors qu’Ankara et Bagdad ont verrouillé les frontières pour isoler la région «rebelle».

En Catalogne, Mariano Rajoy, s’appuyant sur la constitution toujours monarchiste de la dite transition postfranquiste, a envoyé toutes les forces de sécurité disponibles – police nationale et guardia civil – le dimanche 1er octobre pour empêcher le déroulement de la consultation. On connaît la suite. D’un côté des brutalités policières inouïes, matraques, lacrymo et balles en caoutchouc contre les files de gens de tous âges allant voter et n’ayant pour toute arme qu’un bulletin1 value="1">Cf. le dessin de Vincent, Le Courrier, 7 novembre 2017., de l’autre des groupes de citoyen-ne-s occupant depuis la veille les divers locaux de vote pour les protéger. Contrairement aux allégations de Rajoy, la répression policière a été pratiquement inefficace puisque seuls 319 bureaux sur 2315 ont été fermés par les forces policières nationales. Deux millions de personnes ont pu s’exprimer et l’ont fait largement en faveur de l’indépendance. Celle-ci est évidement «virtuelle» puisque Madrid a utilisé l’article 155 de la constitution actuelle, dissolvant les gouvernement et parlement régionaux, et convoquant des élections législatives anticipées pour le 21 décembre.

Dans les deux cas du Kurdistan irakien et de la Catalogne, les gouvernements centraux ont usé et abusé des dispositions constitutionnelles pour déclarer les votes illégaux et bloquer par la force les aspirations légitimes des peuples concernés. Or, dans la hiérarchie des normes juridiques, une constitution nationale est inférieure aux instruments pertinents du droit international public. Le droit – dont la loi n’est pas automatiquement porteuse – est toujours le bouclier des fragiles et des opprimé-e-s, car c’est le droit qui jugule la loi de la jungle, apanage des forts et des dominants.

Or, les votes des 25 septembre et 1er octobre étaient l’application concrète du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, une liberté fondamentale décrite à l’article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966. L’autodétermination ainsi proclamée fonde le droit des peuples à «déterminer librement leur statut politique et à assurer librement leur développement économique, social et culturel».

Le vote catalan marquait une rupture claire avec le franquisme et rétablissait la république. Ce faisant, il arrachait ainsi les derniers oripeaux du fascisme ibérique sur lequel les classes dominantes espagnoles se basent dans leurs politiques de domination historique et leurs programmes d’austérité néolibérale.

Mais qu’importe la violence d’Etat et de classe, l’aspiration des individus et des peuples à la liberté, la dignité et la justice sociale ne peut pas être étouffée durablement par les régimes autoritaires et le bruit des bottes. Il en va de même avec les élans de solidarité, de tendresse et de bonté qui surgissent dans le cœur des gens et de l’humanité depuis toujours et pour toujours!

 

Notes[+]

* Animateur en éducation populaire.

Opinions Chroniques Bruno Clément

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