Édito

En toute légalité

Gagner toujours plus. Cet urgent besoin pour les entreprises et particuliers les plus riches de la planète transparaît des Paradise Papers, comme il transpirait des Panama Papers et autres LuxLeaks. On y découvre une classe capitaliste prête à tout pour ne pas payer d’impôts.

Cette optimisation fiscale – qui passe par l’externalisation de certaines activités dans les paradis fiscaux – n’est pas illégale, comme aiment à le rappeler les fervents défenseurs du système, à l’image de l’avocat Carlo Lombardini sur les ondes de la RTS. Et d’ajouter que l’«immoralité» n’est «pas un critère de débat constructif». Ne lui en déplaise, l’excuse de la légalité est un peu courte.

Pourquoi les Etats tolèrent-ils des pratiques qui soustraient des milliards à leurs caisses publiques? L’essayiste québécois Alain Deneault, qui a enquêté sur l’entreprise Total, a apporté une partie de la réponse sur Radio Canada à travers l’exemple de Leo Kolber. Mis en cause dans les Paradise Papers, ce sénateur proche de la famille Trudeau contribue au financement du Parti libéral. Les méthodes de l’optimisation fiscales sont aujourd’hui connues. Il est temps d’en donner une lecture sociologique, d’y voir une logique systémique: tout cela est légal selon des lois opportunément votées par des élites au pouvoir qui encouragent ces pratiques et ne vont pas se retourner contre ce qui leur permet de gagner des élections.

En Suisse, quel changement législatif attendre quand Johann Schneider-Ammann a déchargé son entreprise d’une partie de ses impôts en faisant transiter plus de 260 millions de francs par des filiales au Luxembourg et à Jersey avant de devenir ministre de l’Economie?

Or ces soustractions fiscales induisent une profonde injustice sociale. L’exemple des fonds de la reine d’Angleterre frappe comme une gifle au visage des perdants du système. Les Paradise Papers ont révélé qu’une partie de cet argent a été investi dans BrightHouse, une entreprise controversée qui loue et vend du mobilier aux familles démunies avec de très hauts taux d’intérêts. Ainsi, la Couronne échappe au fisc en investissant dans une firme qui exploite les consommateurs britanniques les plus pauvres. Ne reste plus qu’à réinvestir l’argent ainsi gagné et la boucle est bouclée. En toute légalité.

Opinions Édito Laura Drompt

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