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Confronter à tout prix

Espagne

Le choix de la confrontation, coûte que coûte. Mariano Rajoy a annoncé jeudi son intention de suspendre dès samedi l’autonomie de la Catalogne, comme le lui permet l’article 155 de la Constitution espagnole, à condition de recevoir le soutien des deux tiers des sénateurs – une formalité.

La clarification demandée – et obtenue de Carles Puigdemont – qu’il n’y avait pas eu de déclaration d’indépendance de la Catalogne ne suffit plus. Fort du soutien du capital, de l’UE et des grandes formations politiques nationales à l’exception d’Unidos Podemos, le premier ministre ne se contente plus de refuser la négociation, il exige désormais une reddition sans conditions. Il sait qu’il ne l’obtiendra pas, son objectif est ailleurs: attiser le conflit et surfer sur la vague espagnoliste. Idéale pour faire oublier le retour des affaires de corruption ou cette croissance superficielle qui peine à réduire le chômage et la précarité.

L’application du fameux article 155 à la Catalogne ne se fera pas du jour au lendemain. Mais du point de vue symbolique, c’était la bombe atomique dans les mains du Parti populaire (PP). Durant le XXe siècle, seuls les deux dictateurs, Francisco Franco et Miguel Primo de Rivera, avaient osé priver la Catalogne d’institutions régionales.

L’incarcération en début de semaine de deux militants d’associations indépendantistes pour «sédition», immédiatement dénoncée par Amnesty International, avait déjà démontré la maîtrise très particulière du symbole chez les dirigeants du PP. Au point de réveiller brutalement le volcan catalan qui commençait à s’éteindre, démoralisé par le recul tactique de Carles Puigdemont et les promesses envolées de lendemains qui chantent.

Mariano Rajoy aurait pu jouer la montre, laisser les séparatistes régler leurs comptes, se crêper le chignon sur la stratégie à suivre. Il leur offre deux martyrs. Et leur agite désormais la muleta ultime! La leçon de la désastreuse gestion du 1er octobre n’a guère été méditée.

Dès samedi, l’activation de l’article 155 ouvrira une nouvelle séquence des plus incertaines. Mais les signes aperçus dans la rue catalane annoncent un probable regain des mobilisations pacifiques. En face, les socialistes affirment que leur soutien à M. Rajoy est conditionné à une suspension de l’autonomie brève et limitée. Face à des camps de plus en plus radicalisés, on parierait plutôt sur un conflit en voie d’enkystement. I

International Opinions Actualité Édito Benito Perez Espagne

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