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Plaza: votarem!

L’IMPOLIGRAPHE

Nous partîmes sept, et nous fûmes presque 12 000 en arrivant hier au port (celui du Service des votations et élections) pour déposer une initiative populaire – «Le Plaza ne doit pas mourir» – qui, pour sauver une salle de cinéma, affirmer sa valeur patrimoniale contre des critères de rentabilité financière et en faire le cœur d’un espace culturel, propose d’en exproprier le propriétaire. On nous assurait que c’était impossible. Impossible n’étant pas genevois, nous l’avons fait – à quelques-uns, pas beaucoup, presque seuls au début, puis avec des soutiens politiques et associatifs, dont les sections genevoises de Patrimoine suisse et de la Fédération suisse des architectes (grands mercis à elles). Et surtout, avec l’appui de milliers de citoyennes et citoyens qu’on remercie d’avoir, avec nous, affirmé que la défense du patrimoine n’était pas soluble dans la rentabilité commerciale comme, dans un moment d’égarement, s’y était résigné le Conseil d’Etat lorsqu’il avait «sorti» la salle du Plaza du classement de tout l’immeuble (qui reste, lui, classé) construit, comme elle, par l’architecte Marc-Joseph Saugey en 1952.

Une décision funeste – mais encore remédiable – de nature à rendre totalement inopérant tout classement au patrimoine et toute protection, à ce titre, d’un objet architectural: c’est un précédent dangereux, et un retour en arrière inacceptable, que d’admettre qu’un élément particulier d’un ensemble classé peut être déclassé pour de seules raisons de rentabilité financière de cet élément: la salle du Victoria Hall est-elle rentable? et celle du Grand Théâtre? et la salle des Armures du MAH?

Reste que la salle de cinéma est essentielle à la réception du cinéma comme forme d’expression: regarder un film dans une salle est autre chose que le regarder chez soi sur sa télévision ou son ordinateur – ou, pire, son smartphone. L’expérience de la salle est une expérience collective en même temps qu’elle est solitaire, sociale en même temps qu’elle est individualiste. Et elle est d’autant plus prégnante que la salle a une histoire, une valeur patrimoniale matérielle et immatérielle, qu’elle a vécu, comme le Plaza, et qu’on y a vécu, comme au Plaza, si on nous autorise à parler d’un temps et d’une salle que les moins de 20 ans n’ont pas connus.

Si le Conseil d’Etat avait besoin d’un fait nouveau pour suspendre l’autorisation de construire (c’est-à-dire de détruire) accordée au propriétaire, et revenir sur sa funeste décision de déclasser la salle du Plaza, le voilà: avant même que l’initiative soit soumise au peuple, 5% du corps électoral du canton la soutient déjà. Reste évidemment à faire en sorte qu’elle soit soumise au peuple et ne lui soit pas soustraite sous quelque prétexte formel: c’est à lui de se prononcer. S’il le veut, le Plaza revivra. Genève le vaut bien.

Comme on dit quelque part derrière les Pyrénées (mais en se faisant taper sur la gueule pour le crime de l’avoir dit): Votarem!

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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