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Une victoire hélas ambiguë

Michel Ducommun regrette que cette campagne de votation ait consacré la croyance selon laquelle le système des retraites va à la catastrophe.
PV2020

Lorsque l’on s’est engagé de manière importante contre le projet Berset, et que le non l’a emporté, il est logique de fêter victoire. Et pourtant tout ce qui s’est passé a de quoi me rendre inquiet. Premièrement, car s’il est vrai que notre campagne en Suisse romande a joué un rôle, c’est aussi vrai qu’une partie importante des «non» provient de la droite PLR et UDC en Suisse allemande. Plus globalement, le vainqueur toutes catégories de cette campagne et de cette votation, c’est la croyance que le système de financement de nos retraites court à la catastrophe.

La gauche politique et syndicale dite «raisonnable» a soutenu une diminution très importante des prestations (pénalisation des femmes, diminution des rentes du deuxième pilier dix fois supérieure au petit cadeau de 70 francs de l’AVS, préparation de l’augmentation générale de l’âge de la retraite à 67 ans).

La droite dure, elle, a refusé le projet, essentiellement car elle estimait que les économies faites sur les futurs retraités étaient insuffisantes.

Finalement, la divergence entre la gauche molle et la droite dure, c’est jusqu’où les futurs retraités devront se serrer la ceinture.

J’affirme que ce constat est un pur mensonge: nous sommes capables, en Suisse (et ailleurs!), de produire de plus en plus de richesses (un ouvrier produit aujourd’hui en 1 heure 17 fois plus qu’en1900!), et cette augmentation des richesses produites est supérieure à l’augmentation de l’espérance de vie.

En d’autres termes, si l’augmentation des richesses produites ne profitait pas essentiellement aux plus riches, on pourrait augmenter les prestations aux retraités!

Une solution existe donc pour garantir les retraites futures, mais elle doit tenir compte de deux éléments essentiels: la capitalisation intéresse les gestionnaires qui en profitent, mais les incertitudes qui lui ­correspondent sont incompatibles avec un système de retraites. La répartition, par contre, permet un lien entre les revenus des actifs et le ­montant des rentes, la présence d’une certaine solidarité, et en plus de garantir l’indexation des rentes. C’est bien pour cette raison que l’AVS a toujours depuis sa création garanti ses prestations, alors que le deuxième pilier n’a cessé de les diminuer.

Cette analyse mène à une évidence: il faut supprimer le deuxième pilier basé sur la capitalisation et le fusionner avec l’AVS. Un tel projet a été approuvé par un congrès de Solidarités. Et la bonne surprise, c’est qu’un tel projet est plus que viable: un système d’AVS avec fonds de réserve, (on ne va pas dilapider les 800 milliards accumulés par le deuxième pilier!) avec des cotisations égales à celles actuelles des deux piliers et un rendement de la fortune à 2%, peut offrir des prestations supérieures à celles versées actuellement (retraite minimale de 3800 francs, 80% du dernier salaire avec un maximum de 9500 frs), et terminer l’année (sur la base des données de 2011) avec un bénéfice de 6 milliards.

* Ancien président du Cartel intersyndical, ancien député Ensemble à gauche au Grand Conseil genevois.

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