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Colombie: «toutes sortes d’OGM, sans aucun contrôle»

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

German Velez, du Grupo Semillas, est une des voix de référence en Colombie sur la question des semences. Il était de passage à Genève mi-septembre pour témoigner devant le comité d’experts du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. «Nous avons pu expliquer comment les lois et les pratiques de l’Etat colombien, qui a complètement libéralisé le commerce et la culture des produits OGM, ont de très graves impacts sur la sécurité alimentaire de notre pays», a-t-il indiqué, en précisant avoir demandé que la Colombie déclare un moratoire total pour l’ensemble des cultures génétiquement modifiées; et que des études scientifiques soient menées sur les nouvelles technologies agricoles qui déferlent sur son pays.

«La Colombie importe et cultive toutes sortes d’OGM, sans aucun contrôle», atteste German Velez. Du coup, la richesse de la biodiversité de ce pays tend à se réduire comme peau de chagrin. Les multinationales agrochimiques ont asséché le marché des semences locales de maïs pour imposer leurs propres semences. C’est donc toute la formidable variété de maïs de ce pays latino-américain qui est en train de disparaître. Alors que dans le même temps se succèdent les rapports alarmistes sur la perte de la biodiversité de la planète et l’augmentation de la faim dans le monde.

«L’ouverture au marché mondial, l’importation massive de denrées alimentaires subventionnées vendues moins cher, ont causé la faillite de nombreux petits producteurs en Colombie», a rappelé German Velez, en montrant du doigt les accords commerciaux avec l’Union européenne, les Etats-Unis et la suppression des droits de douane. L’Etat colombien ouvre par ailleurs ses bras à l’agrobusiness et aux investisseurs étrangers, sous prétexte que «l’agriculture paysanne est obsolète, ne parvient pas à faire avancer le pays, et que ce sont les monocultures industrielles, telles que les palmiers à huile, qui sont l’avenir du pays».

Résultat: alors que la Colombie des années 1990 était autosuffisante sur le plan alimentaire et, de surcroît, exportatrice de maïs – entre autres –, elle importe désormais une bonne partie des aliments de base consommés dans le pays, au rang desquels plus de 85% du blé et du maïs. German Velez ne décolère pas: «C’est une honte pour un pays comme la Colombie, qui a une énorme potentiel agricole, d’en être réduit à importer du maïs transgénique des Etats-Unis pour notre propre consommation et celle de nos animaux».

Les semences, à la base de l’alimentation, font pourtant étroitement partie de la culture et de l’histoire des peuples, fruit d’un travail collectif et de l’accumulation des savoirs des agriculteurs, qui ont su développer cette immense diversité de variétés, adaptées aux conditions locales. «C’est tout cela qui est désormais battu en brèche, menacé, vilipendé», dénonce German Velez. Les cultures locales sont contaminées par les cultures transgéniques, malgré de vaines tentatives de les protéger. Lorsque les paysans se plaignent de récoltes moins bonnes après avoir utilisé des semences génétiquement modifiées, achetées au prix fort, Monsanto, Syngenta et les autres ont toujours la même réponse, que ce soit en Colombie, au Burkina Faso ou en Inde: les producteurs ne savent pas utiliser la technologie; ou alors, c’est dû au climat.

Tout cela représente un immense et révoltant gâchis. En Colombie comme dans d’autres pays, des gouvernements, économiquement sinistrés et politiquement faibles, ne parviennent pas à résister aux rouleaux compresseurs des Syngenta-ChemChina, Monsanto-Bayer ou Pioneer-Dow, qui se livrent une guerre titanesque partout dans le monde pour acquérir de nouvelles parts de marché. Et tous les coups sont permis, y compris d’infiltrer jusqu’aux instances chargées d’accorder les autorisations de nouveaux OGM et de faire une pression incessante sur les responsables politiques.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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