Édito

Au-delà du droit

Indépendance

Que vaut le droit d’autodétermination des peuples? Les scrutins kurde d’hier et catalan de dimanche ont remis brutalement le concept sur le devant de la scène. La Catalogne a-t-elle le droit de décider seule de sa séparation d’avec l’Espagne? Erbil peut-il unilatéralement envoyer valser Bagdad? Et si la question était juste mal posée?

Reconnu par la Charte des Nations Unies, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est bien d’avantage une notion politique que juridique. Comment définir un peuple? Comment lui assigne-t-on un territoire? Peut-on faire sécession d’un Etat sécessionniste, et ainsi de suite? Et surtout: comment règle-t-on les conflits de souveraineté?

Sans mépriser le travail de générations de juristes, au final, ce sont bien les légitimités subjectives qui construisent les nations. Voire des Etats-nations, si les conjonctures géopolitique et économique ou les rapports de force sociaux s’y prêtent. Certes, le sentiment d’appartenance à une communauté n’est pas tout. Mais le droit international n’est pas davantage une garantie, demandez aux Sahraouis ou aux Palestiniens!

Au nom du droit, bien peu d’Etats auraient leur forme actuelle. Dès lors, au nom de quoi ceux-ci devraient-ils être sacralisés par ce même droit, fût-il constitutionnel?

Plus: le légalisme étroit dans lequel s’enveloppent certaines métropoles peut provoquer exactement l’effet inverse. Ainsi l’Espagne. Où le Tribunal constitutionnel, en refusant en 2010 d’entériner le statut d’autonomie négocié en 2006 entre Madrid et Barcelone, a largement suscité le mouvement indépendantiste actuel. Un feu identitaire alimenté par des politiciens catalans opportunistes, désireux de faire oublier la crise et les affaires de corruption, mais qui a trouvé un incendiaire de choix à la Moncloa. Où Mariano Rajoy n’a cessé de s’arcbouter sur la Constitution – pourtant aisément réformable – pour refuser un référendum négocié avec la Catalogne. Plébiscité par 80% des Catalans, un tel vote en accord avec Madrid avait pourtant toutes les chances de déboucher sur une nette défaite indépendantiste.

Désormais, les choses risquent d’en aller autrement. En multipliant depuis deux semaines les mesures policières et vexatoires à l’égard de la Generalitat, en privant les autorités catalanes de prérogatives financières et sécuritaires remontant à la fin du franquisme, M. Rajoy est certainement parvenu à convaincre davantage de Catalans de leur absence d’autonomie réelle que les indépendantistes ne l’avaient fait en quarante ans de démocratie!
Qu’un référendum se tienne ou non dimanche, jamais la rupture entre Barcelone et Madrid n’a paru aussi consommée. Et légitime, à défaut d’être prévue par la loi.

Opinions Édito Benito Perez Indépendance

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