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Concurrence ou coopération?

(Re)penser l'économie

La concurrence, selon les économistes libéraux, serait la base d’une meilleure allocation des ressources (capital et travail) en facilitant l’offre et la demande et permettrait de faire baisser les prix des produits et services offerts. Voilà pour la théorie. Dans la pratique, la concurrence parfaite n’est jamais établie, quand elle n’est pas faussée par les acteurs du marché. A cet égard, l’exemple récent de l’industrie automobile allemande est parlant. Selon le Spiegel, «l’industrie automobile allemande s’est concertée depuis les années 1990 dans des groupes de travail secrets sur la technique utilisée dans les voitures, les coûts, les sous-traitants, les marchés, les stratégies et aussi sur la diminution des émissions polluantes de leurs véhicules diesel». Nous avons là la meilleure preuve que cette «concurrence libre et non faussée» selon les normes de l’Union européenne ne fonctionne pas. Il suffit de penser aux ententes cartellaires – que la Suisse connaît bien et qui renchérissent les prix dans notre pays –, aux abus de position dominante sur un marché ou encore aux aides directes et indirectes des Etats pour favoriser tel ou tel segment de l’économie ou entreprise d’un pays.

Dans cette chronique, je voudrais mettre l’accent sur le gaspillage des ressources qu’entraîne inévitablement la concurrence. Or cet aspect va à l’encontre de la théorie libérale et pose un sérieux problème à l’heure où la crise environnementale devient un enjeu majeur pour la survie de l’humanité.

Prenons un exemple théorique qui s’applique à la production d’un objet matériel, par exemple une cuisinière. Face à la demande de ce type d’instrument ménager, plusieurs entreprises se font concurrence. Chacune, pour prendre une part du marché, va développer sa chaîne de production en investissant dans des machines et des matières premières pour produire ses cuisinières. Chacune va développer son réseau commercial et son marketing pour les promouvoir. Chacune va créer un service de recherche pour essayer de trouver de nouveaux modèles etc. Admettons que ces entreprises sont au nombre de cinq sur ce marché. La concurrence, s’il n’y a pas d’entente sur les prix – ce qui est parfois le cas –, va effectivement conduire à des baisses de prix qui peuvent être liées à des processus de production plus économes ou encore à des délocalisations de la production dans des pays à bas salaires, etc. Parmi ces cinq entreprises, l’une ou l’autre, ou plusieurs, ne parviendront pas à survivre à ces baisses de prix et seront dès lors soit mises en faillite, soir rachetées par leurs concurrents. Nous constatons alors une concentration de la production sous forme de monopole, ce qui annule la concurrence. Mais aussi le capital qui, sous forme de machines, de matières premières et d’énergie, aura été mobilisé par les entreprises en faillite et qui sera perdu ou détruit. Il s’ensuit un gaspillage considérable de ressources dont les effets environnementaux ne sont jamais mesurés. Et, bien sûr, nous ne parlons pas ici de la casse sociale que constitue la mise au chômage de l’ensemble ou d’une partie des salariés concernés.

Cet exemple peut s’appliquer à la plupart des produits de grande consommation mais aussi à de nombreux services qui constituent, particulièrement dans les pays à hauts revenus, une part toujours croissante de la production de richesses. La question qui se pose est de savoir jusqu’à quand un tel gaspillage de ressources est supportable pour l’environnement. D’autant que chaque acteur économique, pris individuellement, n’est pas en mesure de mesurer la charge finale qu’il fait peser sur les conditions de vie sur terre et que les limites physiques à une production dispendieuse ne sont pas immédiatement perceptibles par tout un chacun.

Et si on changeait complètement de perspective? En envisageant de produire non pas en concurrence mais en coopération, sur la base de besoins définis démocratiquement et auxquels on répondrait de la manière la plus rationnelle possible, sans exploitation et avec une atteinte à l’environnement la plus limitée possible.

Opinions Chroniques Bernard Clerc

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