Chroniques

Une république bananière appelée Israël

AU PIED DU MUR

La corruption fait partie du système capitaliste, inhérente surtout au système néolibéral mondialisé. Mais dans les pays dits occidentaux – ou civilisés, voire appartenant à la civilisation judéo-chrétienne – la corruption se doit d’être discrète et en marge du système, même si, selon les cas, la marge est assez élastique. L’Allemagne, la France ou la Suisse ne sont tout de même pas l’Afrique, ni le Brésil, voyons!

Israël appartient à ce monde civilisé, régulé par la démocratie libérale… et les lois du libre marché. C’est du moins ce qu’on nous dit, à longueur de reportages, sur ce pays où coulent le lait et le miel, et la démocratie bien sûr. C’est ce qu’on pouvait croire, en fermant les yeux et en se bouchant le nez, jusqu’à très récemment. Aujourd’hui s’impose le fait qu’Israël est une république bananière ou la corruption est endémique, omniprésente et galopante.

Commençons par le bas de la pyramide: au cours des deux dernières années, plusieurs dizaines de maires de villes plus ou moins importantes ont été jugés et condamnés pour corruption ou trafic d’intérêts, ou sont sur le point de l’être. Remontons un peu plus haut: l’ancien ministre des Infrastructures Modi Zandberg et le ministre de l’Energie et des Infrastructures, Yuval Steinitz, viennent d’être interpellés, suspectés de corruption dans l’affaire des sous-marins allemands (lire les détails plus bas).

Au sommet de la pyramide de la corruption: Benjamin et Sarah Netanyahou. Trois enquêtes concernant le premier ministre et son épouse ont été ouvertes par la police: «dossier 1000», «dossier 2000» et «dossier 3000». Les deux premières sont bouclées et prêtes à être soumises à la justice. En apéritif, la mise en examen pour fraude de Madame Netanyahou: elle avait trop tendance à mêler les dépenses afférant à la résidence ministérielle avec celles liées à la luxueuse villa du couple à Césarée – une histoire à  400 000 shekels (plus de 100 000 francs) pour le moins… qui sera bientôt réglée. Egalement au menu du «dossier 1000»: les cadeaux somptueux du milliardaire Arnon Milchan, sous la forme de boîtes de cigares et de caisses de champagne rose pour Madame, qui devaient évidement faciliter les affaires du richissime producteur, espion et marchand d’armes israélo-américain. Quant au «dossier 2000», il documente un deal négocié avec Arnon Mozes, patron du Yediot Aharonot, le plus grand quotidien israélien, pour que le journal modère ses critiques envers le premier ministre… et sa femme.

Avec le «dossier 3000», les choses deviennent plus sérieuses: il s’agit des pots-de-vin de centaines de milliers de dollars qui auraient été versés pour l’achat de sous-marins allemands. Ont été mis en examen David Shimron, qui n’est autre que le chef de cabinet, l’avocat personnel et l’ami intime de Netanyahou, ainsi que David Shiran, son conseiller politique. Auxquels il faut ajouter le chef de la Marine de guerre et quelques autres officiers supérieurs. Tous les protagonistes auraient empoché de grosses sommes ou aidé des tiers à toucher de juteuses commissions. Des centaines de milliers de dollars auraient ainsi circulé dans l’entourage proche du premier ministre sans que ce dernier – et lui seul – n’en sache rien. La police et le Parquet n’en croient pas un mot.

Face à l’étau qui se resserre autour de lui, Netanyahou contre-attaque: dans des meetings de masse, il dénonce le «complot» des élites, de la police et de la justice contre la volonté populaire: «Vous m’avez élu, et les vieilles élites, qui ont été sanctionnées dans les urnes, essaient de me mettre à la porte par un complot judiciaire.»

Mais comme c’est souvent le cas dans le système mafieux, les rats quittent le navire lorsqu’il prend l’eau et certains acceptent de témoigner contre Netanyahou en échange d’une réduction de peine. C’est en particulier le cas d’Ari Harow, ancien chef de cabinet du premier ministre. La police laisse entendre que d’autres proches de Netanyahou vont suivre son exemple afin de sauver leur peau.

C’est une véritable mafia que Netanyahou a bâtie autour de lui, gangrenant des institutions aussi importantes que la Marine de guerre, et polluant toute la scène politique par la collusion entre le pouvoir, l’argent et la pègre. Bien au-delà du bling-bling de la famille Netanyahou, c’est Israël qui est devenu une république bananière, pourrie jusqu’à la moelle.

Opinions Chroniques Michel Warschawski

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lundi 8 janvier 2018

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