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Enquêter plus, dénoncer plus fort

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C’est un procès inédit qui s’est ouvert hier en France contre Elise Lucet et Laurent Richard. L’Azerbaïdjan poursuit en effet en justice ces journalistes pour avoir qualifié le pays du Caucase de «dictature». Une procédure qui fait suite à la diffusion, en septembre 2015 sur France 2, d’un reportage sur les coulisses des voyages présidentiels français dans la région.

Si cette procédure est inédite, c’est qu’on a affaire à un Etat qui attaque des reporters étrangers dans leur propre pays. Elle fait ainsi figure de nouveauté dans les mesures tentant de contrôler la presse. Mais elle s’inscrit dans un nombre croissant de procédures contre les journalistes.

Sans même parler ici des milliers de nos confrères poursuivis dans divers pays pour avoir osé critiquer leurs gouvernements ou des multinationales, éditorialistes, enquêteurs, lanceurs d’alerte ou diffuseurs d’informations sont de plus en plus souvent menacés en justice par des puissants. A tel point que ces procédures ont même trouvé un nom: les procès-baillons.

En effet, être attaqué par des batteries d’avocats fait perdre un temps énorme aux journalistes, tout en créant un stress important, au vu des risques judiciaires et financiers en cas de décision défavorable. Avec un but très simple: les pousser à l’autocensure.

Bien sûr, les médias ne sont pas toujours irréprochables. Ils ne sont pas non plus au-dessus des lois. Des textes encadrent le métier et ils sont tous tenus au respect d’un code déontologique régi par une série de devoirs. Mais ceux-ci sont accompagnés de droits, avec comme point d’orgue celui d’informer. Or ce droit est essentiel, car le droit à l’information du public demeure un des piliers fondamentaux de la démocratie.

Ainsi, dans un monde où la presse est de plus en plus concentrée dans les mains de grands groupes et où politiciens et entreprises se protègent derrière des armées de communicants, il est extrêmement inquiétant de voir ces procès-baillons se multiplier. Il s’agit rien de moins que d’une attaque contre la démocratie.  

Dans ce contexte, il faut saluer le travail réalisé par une dizaine de journaux, dont Le Monde et le Guardian en vue de l’ouverture du procès intenté par l’Azerbaïdjan. Ils ont en effet publié, hier, une série d’articles sur les manœuvres de ce pays visant à se ménager la bienveillance de responsables occidentaux.

Une contre-attaque qui montre la voie à suivre pour les médias s’ils ne veulent pas tous crouler sous les procès-baillons: enquêter plus encore et dénoncer toujours plus fort les pratiques de ceux qui veulent les faire taire. I

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