Genève

Petite haine ordinaire

1er août

Quoi de plus stérile qu’un énième 1er août avec flambée, drapeaux rouges à croix blanches et discours autosatisfaits? Cette année, la Ville de Genève a décidé de jumeler la fête nationale suisse avec celle du Bénin, qui tombe le même jour. Le hasard de calendrier est savoureux et l’occasion trop belle de faire la fête ensemble, par-delà les différences et les indifférences.

Mais l’idée ne plaît pas à tout le monde. Voilà qu’une pétition «Pour un 1er août suisse» émerge sur internet. A ce jour, elle ne récolte qu’un demi millier de signatures mais fait déjà parler d’elle. «Jusqu’à preuve du contraire, le Suisse ne descend pas du Béninois.» Voilà pour l’argumentation, qui rappelle la comparaison par une militante du Front national entre Christiane Taubira et une guenon (l’image avait valu une lourde amende à son auteure).

Pitoyable, la fronde xénophobe du 1er août serait anecdotique si elle ne tombait en pleine crise migratoire. Elle nous fait honte, alors qu’une opération en mer lancée par des «identitaires» européens entend barrer la route aux migrants (un Genevois est impliqué dans cette initiative révoltante).

«Qu’entendons-nous par cette Suisse que nous chantons?», interrogeait Max Frisch il y a exactement soixante ans, dans son Discours de fête prononcé devant des écoliers zurichois. «Pour ma part, j’entends plutôt le pays, les gens et les paysages.» L’intellectuel alémanique songeait alors notamment aux immigrés italiens, sur lesquels il a beaucoup écrit, et qui étaient la cible de l’ostracisme.

La Suisse d’aujourd’hui est faite d’Uranais, de Valaisans, d’Italiens, de Chiliens, de Kosovars. Et de Béninois. Raison de plus pour aller fêter le 1er août tous ensemble, n’en déplaise à 500 racistes.

Opinions Régions Genève Édito Roderic Mounir 1er août

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