Chroniques

L’ego: miroir de l’être, illusion à dépasser ou concept parmi les concepts,…?

Héloïse a tout planté, elle a dit «J’ai besoin d’air» et a dégoté un mazot simple et accueillant dans le Val d’Anniviers.

En réalité, de l’air, elle n’en manque pas. En partant, elle sait bien que c’est elle-même qu’elle veut quitter, pas les autres : elle ne se supporte plus, probablement parce qu’elle s’aime trop, pense-t-elle, et cette pensée est devenue si obsédante qu’elle ne supporte plus l’immobilisme. La montagne, la solitude. Le silence. Enfin, elle quitte la ville.

S’occuper de pierres. Rechercher les fêlures et les éviter. Tailler. Creuser. Elle s’empare d’un énorme bloc de calcaire. Burin et ciseau martèlent rigoureusement du matin au soir et quand le soleil disparaît derrière les Alpes, Héloïse pose ses instruments, avale un morceau de Bagnes sur du pain de seigle et rejoint son lit. Elle ferme rapidement les paupières, profitant de l’obscurité naturelle pour éteindre les échos des outils dans son corps.

Les jours défilent, le calcaire s’arrondit sous les mains d’Héloïse, le bloc devient boule à facettes – une multitude -, Héloïse ne parvient pas à les compter, il lui semble qu’à chaque fois, il y en a une de plus. Elle se met à poncer, chaque angle est lissé, toutes les aspérités s’envolent, comme autant de petits os émiettés et accumulés. Lorsqu’enfin le bloc devient sphère, parfaite et lourde, Héloïse s’arrête et contemple son œuvre, elle sent monter en elle une puissance grisante. Elle ouvre la porte du mazot, de l’air!

CF

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Chroniques de Montricher

lundi 17 juillet 2017
Dans le cadre d’une résidence d’été à la Fondation Michalski, le collectif d’auteurs Caractères mobiles écrit des textes littéraires sur commande pour vous, lectrices et lecteurs du Courrier, sur...

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