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Qatarstrophes en série

 
Qatar

C’est une histoire de grenouilles qui se voyaient aussi grosses qu’un chameau. Depuis un mois, le torchon brûle entre le Qatar et l’Arabie saoudite et quelques autres pays arabes qui soumettent l’ambitieux petit émirat gazier à un embargo inédit. Mercredi, les espoirs d’un armistice se sont envolés, avec le refus de Doha de se plier à la tutelle de ses voisins. Le conflit, entre les deux principaux sponsors de l’islamisme, ferait presque sourire, s’il ne soulignait pas l’instabilité croissante d’une région, où les conflits se multiplient depuis l’aventure insensée de George W. Bush contre l’Irak.

Avec ses gigantesques réserves gazières, le minuscule Qatar s’est rêvé durant deux décennies en puissance régionale. Pour le meilleur – comme les débuts de la chaîne Al-Jazeera, qui fit souffler un vent frais sur les médias arabes – mais aussi pour le pire, lorsqu’il contribua à transformer le Printemps arabe en champ de bataille géopolitique.

En Libye puis en Syrie, l’émir Hamad ben Khalifa s’est voulu défaiseur de rois, envoyant ses forces spéciales dès le printemps 2011. Retournant les tribus à coups de pétrodollars ou parrainant les milices qui plongeront ces pays dans la guerre et le chaos. Ou encore – péché véniel – en arrosant les partis islamistes, à Tunis et au Caire.

La plus grande retenue, depuis 2013, du nouvel émir Tamim ben Hamad n’y changera rien. Avec la chute des Frères musulmans égyptiens, l’affaiblissement d’Ennahdha en Tunisie, le chaos libyen et le maintien de Bachar al-Assad, le retour de manivelle était inévitable.

D’autant que l’Arabie saoudite et sa politique de conquête wahhabite du monde musulman ne se portent guère mieux. Au moment où les cours du brut plombent ses finances, Ryad est enlisé au Bahreïn et surtout au Yémen. Deux interventions mal maîtrisées mettant en lumière les limites d’une puissance régionale aux pieds d’argile, dictature paranoïaque obnubilée par sa haine de la minorité chiite et de l’Iran.

En pleine bataille dynastique, le régime avait besoin de montrer les dents. L’entrée en jeu de Donald Trump, sensible à l’influence du capital saoudien aux USA, lui en a donné l’occasion. Car après avoir critiqué l’interventionnisme d’Obama, le républicain joue à son tour la carte de l’ennemi extérieur, apprenti sorcier dans la poudrière du Moyen-Orient. Digne héritier de «W», autre grenouille qui s’imaginait, elle aussi, dans le rôle du chameau dominant. Les peuples de la région en paient encore le prix. I

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