Édito

Normes sans frontières

Souffrance animale

Chaque année, la Suisse importe des millions de tonnes de produits animaux (viande, poisson, produits laitiers, œufs…) issus de conditions qui n’auraient pas été tolérées sur sol helvétique. Une motion acceptée hier par le Conseil national voudrait changer la donne en interdisant les articles provenant d’animaux ayant subi des mauvais traitements. Paradoxe actuel: la Suisse interdit de tuer un poisson sans l’avoir préalablement étourdi, et importe parallèlement chaque année 300 tonnes de foie gras. Nos magasins vendent des produits interdits à nos éleveurs pour des raisons de bien-être animal. Notre responsabilité s’arrêterait-elle aux frontières?

Alain Berset a plaidé contre la motion, hier. «Il faudrait savoir comment les produits ont été élaborés, ce qui pourrait se révéler difficile, voire impossible», a-t-il argué. Au lieu de s’inquiéter de cette opacité, il a préféré s’en remettre «au consommateur qui, grâce à la déclaration sur l’origine des produits, peut faire ses achats en toute connaissance de cause». On cherche en vain ce qui permettra au consommateur – mais pas aux experts fédéraux – de détecter les aliments issus de mauvais traitements.

Cette motion nous renvoie à de nécessaires transitions: les normes sociales, écologiques et éthiques appliquées en Suisse devraient valoir pour les importations. La logique est sensiblement la même dans l’initiative «pour des multinationales responsables», qui demande de respecter les droits humains et l’environnement aussi dans leurs activités à l’étranger. S’en remettre systématiquement au jugement du consommateur (parfois perdu au milieu d’une jungle de labels peu transparents, ou simplement économiquement limité) est un pis-aller. Seules des politiques volontaristes et généralisées permettront de lutter contre l’exploitation des êtres vivants et des ressources.

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