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Les millions de l’Eglise du Mali planqués en Suisse

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

La ville de Genève a ceci de particulier qu’elle abrite d’un côté les sièges de plusieurs organisations internationales de premier plan; de l’autre ceux de multinationales à la réputation sulfureuse; tandis que les enseignes des plus grandes banques suisses et internationales égaient son centre-ville. Y a-t-il un lien entre toutes ces «marques» prestigieuses qu’on retrouve dans le monde entier? Certaines évoquent en tout cas des scandales retentissants. Et le dernier en date a généré une onde de choc sur l’ensemble du continent africain et dans le reste du monde.


Jugez plutôt: il y a juste une semaine, le 31 mai, le quotidien français Le Monde révélait que la Conférence épiscopale du Mali (CEM) avait ouvert en 2002 sept comptes bancaires auprès de la banque HSBC Private Bank à Genève, filiale suisse de l’établissement bancaire britannique. Ces comptes étaient crédités d’un montant global de 12 millions d’euros en 2007, date du dernier relevé bancaire en possession du Monde. Une information qui est en quelque sorte un «reliquat» de celles diffusées début 2015 par plusieurs dizaines de médias internationaux, coordonnés par le Consortium de journalistes d’investigation (CJI).


De tels scandales concernent le plus souvent des responsables politiques ou économiques. Mais qu’il s’agisse cette fois-ci de hauts dignitaires de l’Eglise catholique d’un pays, le Mali, qui figure parmi les plus pauvres du monde choque énormément. Cette affaire met en cause les trois plus hauts dirigeants de la Conférence épiscopale du Mali (CEM) durant cette période, dont l’archevêque de Bamako, Mgr Jean Zerbo, 73 ans, que le pape François vient de nommer cardinal le 21 mai dernier.


Le correspondant du Monde Afrique à Bamako a cherché à rencontrer les prélats incriminés pour entendre leur version des faits, eux dont les noms figurent clairement sur ces comptes toujours actifs auprès de la HSBC à Genève. Mais ceux-ci éludent les questions, bottent en touche, ou refusent de répondre. L’argent des paroissiens de l’Eglise catholique du Mali semble bel et bien avoir été exfiltré sur les bords du Léman. Cela signifierait alors que, à l’instar de nombreux responsables politiques et économiques sur le continent africain, des responsables religieux n’éprouveraient eux non plus aucune pitié pour leurs propres compatriotes qu’ils détroussent allègrement, insensibles à leurs problèmes matériels sans fin qui les jettent précisément dans les bras de l’Eglise et de prédicateurs, féticheurs, et autres hommes de Dieu plus ou moins recommandables dont le business est florissant. C’est vraiment à ne plus savoir à quel saint se vouer!


Reste que ce nouveau rebondissement, issu de la vaste enquête «SwissLeaks», projette à nouveau une lumière crue sur le secteur bancaire helvétique qui semble échouer à rendre sa place financière plus présentable. «La Suisse se trouve souvent au cœur de grandes affaires criminelles internationales», peut-on ainsi lire dans le rapport d’activités 2016 de l’Entraide pénale internationale que publiait ce même 31 mai l’Office fédéral de justice. Lequel relève que le nombre d’affaires complexes de corruption et de crime organisé traités en 2016 est en augmentation.


Cette nouvelle affaire est également très embarrassante pour le Vatican et le pape François qui porte une attention particulière aux pays extra-européens. C’est ainsi que la cérémonie d’officialisation au titre de cardinal de Mgr Jean Zerbo, archevêque de Bamako, ainsi que de l’évêque de San, Jean-Gabriel Diarra, et de Cyprien Dakouo, secrétaire général de la CEM depuis 2004, devrait se tenir ce 28 juin à Rome, lors d’un consistoire extraordinaire, voué à la création des premiers cardinaux de l’histoire du Mali, du Laos et du Salvador. Le scandale des millions de l’Eglise du Mali planqués en Suisse tombe donc particulièrement mal.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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