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Etre socialiste, c’est quoi?

L’IMPOLIGRAPHE

Le bruit court que le PS genevois aurait enregistré ces derniers mois plus d’adhésions qu’à l’accoutumée. Laissons courir le bruit: c’est véloce, un bruit, ça a besoin de prendre de l’exercice pour s’aérer. Et celui-là, après tout, n’est pas aussi déprimant que le serait son contraire – des démissions. Mais faut les former, les informer, les formater, ces nouveaux adhérents, des fois qu’ils seraient entrés là par hasard, parce qu’ils ont vu de la lumière ou qu’il pleuvait dehors. Et puis, il y a peut-être quelques fondamentaux à rappeler aux autres, aux plus anciens, à celles et ceux qui cotisent depuis des lustres sans qu’on les ait jamais vus à une assemblée. Et il y a même des fondamentaux à nous rappeler à nous-mêmes, en ces temps de macronisme galopant.

Alors on vous balance (et on transmet à tout hasard à nos camarades français, qui semblent avoir bien besoin de retrouver quelques vieux fondamentaux) notre réponse à la question existentielle «Etre socialiste, c’est quoi?», réponse que le PS a dû trouver convaincante puisqu’il l’a placée dans son «guide du militant», ce qui suppose d’ailleurs que le militant ait besoin d’un guide et d’un catéchisme, même d’un guide erratique et d’un catéchisme proclamant le refus de la catéchèse.
Alors, être socialiste, c’est quoi?

 

  • D’abord, c’est pouvoir dire soi-même, sans avoir besoin qu’on vous le dise, ce que c’est qu’être socialiste. Vous pouvez donc parfaitement vous passer de lire ce qui suit. Mais si vous tenez à ce qu’on vous dise ce que c’est, qu’être socialiste, on vous dira que c’est;
  • Ne rien tenir pour acquis, définitif, incontestable. Pas plus le Parti socialiste que le reste: on peut être socialiste sans être membre du PS  –la plupart des socialistes sont d’ailleurs dans ce cas, et elles-ils ne sont pas moins socialistes pour autant;
  • Savoir que l’ordre établi n’est établi que le temps d’en changer. Et qu’être socialiste, c’est précisément vouloir en changer;
  • Ne rien tenir pour impossible ou illusoire de ce qui peut faire naître «une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant». (Jean-Jacques Rousseau);
  • Savoir que des réformes peuvent être révolutionnaires et que des révolutions peuvent être réactionnaires;
  • Reconnaître que nous n’avons que les droits que nous reconnaissons aux autres, et que les autres ont tous les droits que nous revendiquons pour nous-mêmes;
  • Tenir pour prioritaires les droits de celles et ceux à qui on nie leurs droits, plutôt que les droits de celles et ceux qui les leur nient;
  • Savoir que l’horizon n’est qu’un mirage mais que c’est en mettant le cap sur ce mirage qu’on découvre de nouveaux mondes – ou qu’on les construit;
  • Se souvenir qu’en trois mots (liberté, égalité, fraternité) tout a peut-être déjà été dit de notre projet politique, mais surtout tenir ces trois mots pour indissociables, la liberté sans l’égalité n’étant qu’une jungle et l’égalité sans la liberté une prison;
  • Ne pas douter que la proclamation de la «mort des idéologies» ne soit qu’une proclamation idéologique comme une autre, et que n’être «ni de gauche ni de droite» ne sera jamais que vouloir être du côté du manche;
  • Etre convaincu-e qu’un projet sans action n’est qu’un rêve et qu’une action sans projet n’est qu’un spasme;
  • Tenir pour évident qu’une action politique suppose un projet politique, et pas seulement un plan de carrière;
  • Cultiver l’amour du débat;
  • Avoir le sens de l’Histoire qui a un sens, savoir de laquelle on vient, et vouloir faire, si peu que ce soit, celle dans laquelle on est;
  • Admettre qu’il n’y a pas de droits acquis pour toujours, pas plus qu’il n’y a de marche irréversible de l’Histoire: la régression, c’est possible, dans tous les domaines. Le fascisme, le nazisme, le stalinisme, le maoïsme ne sont pas des souvenirs, mais toujours des menaces, et aucun des droits humains, aucun des droits des peuples, aucune des libertés fondamentales, individuelles ou collectives, n’est inscrite dans autre chose que dans des luttes pour, au moins, les maintenir. Résister, donc. «Le problème est de ne pas avoir peur d’être une minorité. A cette époque (la Résistance), j’avais des amis qui étaient arrêtés, qui étaient torturés, le pays souffrait, j’étais bien dans ma peau. J’étais heureux, dans un pays malheureux. Pourquoi? Parce que je faisais quelque chose qui me semblait juste et bien. Résister, c’est ça.» (Edgar Morin).

Mais ce combat-là, pour essentiel qu’il soit, ne saurait cependant nous suffire, et c’est bien de changer le monde dont il s’agit, pas de se satisfaire du monde tel qu’il est au seul motif qu’il pourrait être pire. L’existant n’est pas un projet.

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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