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Prendre le ciel d’assaut

Législatives françaises

Il va falloir s’y habituer. Emmanuel Macron est depuis hier le huitième président de la Ve République française et son discours lénifiant, entre best-seller de développement personnel et langue de bois 2.0, est devenu la doctrine officielle de la patrie des Lumières. Triste époque.

Pour son intronisation, dimanche, le patron de la République en marche (REM) n’a pas déçu, assénant que les Français, à travers lui, avaient choisi «l’esprit de conquête», sans préciser quels nouveaux territoires il ambitionnait d’assujettir.

En revanche, depuis quelques jours, on connaît mieux ces «helpers», ces «CEO» et autres «startuppers» qui ont permis à l’ancien «managing director» de Rothschild et ministre de François Hollande de devenir supposément l’homme du «renouveau» (en tout cas de la langue française). Epluchant les documents dérobés par des pirates informatiques, Libération décrit dans son édition de vendredi la communauté agissante et fortunée qui a fabriqué de toutes pièces le phénomène Emmanuel Macron: cadres et patrons d’entreprises, financières et technologiques, sortis de l’ENA ou de HEC.

Une France d’en haut mais aussi d’ailleurs, puisque les dons ont afflué de l’étranger, où les exilés fiscaux et les «expats» n’ont pas lésiné pour donner une forte impulsion à leur champion, comme l’a décrit Mediapart. Ces réseaux – habilement actionnés jusqu’à concurrence de 20 000 euros par tête de pipe pour ne pas outrepasser les limites légales – dessinent clairement la pyramide sociale incarnée par le nouveau chef de l’Etat: moins de 2% des donateurs ont contribué à près de la moitié du budget de campagne de M. Macron. Une aubaine financière à laquelle il faut encore ajouter l’emprunt personnel de 8 millions d’euros généreusement consenti malgré l’absence de patrimoine à mettre en gage.

Bref: une fusée politique propulsée du haut1 value="1">Il faudrait encore ajouter la contribution des patrons de presse, détaillée par la journaliste Aude Lancelin: https://audelancelin.com/2017/04/20/emmanuel-macron-un-putsch-du-cac-40/ vers le bas et dont la conception hiérarchique du monde s’exprime assez naturellement dans son offensive actuelle sur l’Assemblée nationale. Ainsi, dans l’entreprise En Marche, les candidats à la députation sont «embauchés» directement par la cellule de recrutement d’Emmanuel Macron, sur CV, lettre de motivation puis entretien… Etrange démocratie, où l’exécutif compose librement sa future armée législative! Seules exceptions à ces députés-employés: les transfuges des partis en place, notamment socialistes, cooptés en fonction de leur capacité à arracher des bouts d’appareil, à l’instar des affidés du parrain lyonnais Gérard Collomb.

Le fait du Prince et la tambouille locale, voilà qui va très nettement révolutionner la façon de faire de la politique en France!

Non contents d’instiller le poison de la gestion managériale et de la rentabilité aux services publics, les socio-libéraux à la sauce Macron ont donc trouvé moyen de privatiser la vie démocratique. Face à cette tentation autoritaire, rendue possible par la faillite du Parti socialiste, ce qu’il reste de la gauche française devra réagir rapidement, pour ne pas se laisser marginaliser. Surtout, elle devra suivre un chemin diamétralement opposé, tant dans ses objectifs politiques que dans sa future organisation, démocratique et participative. Une fusée propulsée d’en bas, pour «prendre le ciel d’assaut»2 value="2">Expression de Karl Marx, reprise par le leader de Podemos, Pablo Iglesias..   

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