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Partis socialistes et pouvoir (1/3)

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Deux événements récents m’invitent à examiner le cas des partis socialistes. Le premier est arrivé dans ma boîte aux lettres pendant la semaine pascale. Il s’agit d’un tout-ménage enjoignant en lettres capitales à «celles et ceux qui manifestent dans la rue»: «MAKE LE POPULISME DE DROITE SMALL AGAIN». Le verso nous explique que «Le PS est la plus grande et la plus crédible des forces politiques pour contrer le populisme de droite en Suisse.»

Le second événement est le maigre score réalisé par le candidat socialiste aux élections présidentielles françaises. Benoît Hamon n’a convaincu qu’un peu plus de 6% des votants. Depuis 1965, année de la première élection du président au suffrage universel direct, les socialistes sont presque toujours au second tour, sauf en 1969, quand ils sont devancés par le candidat du Mouvement républicain populaire (démocrate-chrétien). Le candidat du PS Gaston Defferre, célèbre maire de Marseille de 1953 à sa mort, ne recueille que 5% des suffrages. Cette année-là, le communiste Jacques Duclos emporte 21% des votes.

Il y a 130 ans, à leur fondation, les Partis socialistes représentent une immense source d’espoir pour des millions de personnes. Ils se considèrent alors comme les représentants des classes populaires et incarnent le progrès social en s’engageant pour la réglementation du travail, le droit de vote des femmes et la mise en place d’un solide système de sécurité sociale, alors quasiment inexistant. Dans beaucoup de pays d’Europe, les PS sont les premiers partis politiques. Le SPD est fondé en Allemagne en 1875, suivi par son frère helvétique en 1888. En France, diverses formations qui se réclament du socialisme voient le jour dans les années 1880, avant la création de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) en 1905. Dans les pays qui ne connaissent pas de régime démocratique libéral, les PS sont parfois interdits ou souvent marginalisés de la vie politique institutionnelle. Au tournant du siècle, ils obtiennent un peu partout des mandats politiques. Par exemple, Genève élit son premier conseiller d’Etat socialiste, Fritz Thiébaud, en 1897. Il est l’artisan de la construction de logements ouvriers à Genève.

A l’aube de la Première Guerre mondiale, les élus socialistes sont confrontés à un choix cornélien. Leurs partis ont longtemps défendu le principe de l’alliance des prolétariats dans une logique internationaliste. Le vote des crédits de guerre briserait cet engagement par l’envoi au front des ouvriers pour s’entretuer sous les drapeaux de leur nation respective. Mais, d’un autre côté, ce vote conférerait aux socialistes une légitimité politique en montrant à leurs opposants qu’ils sont des gens raisonnables, capables d’exercer le pouvoir (et de défendre la patrie).

En Allemagne, le SPD, premier parti au Reichstag depuis les élections de 1912, vote les crédits de guerre dans une logique d’alliance avec les forces conservatrices et l’Empereur. Le mouvement ouvrier s’engage à respecter une trêve (pas de grève), tandis que le Kaiser et le gouvernement initient une politique d’ouverture en autorisant l’engagement de sociaux-démocrates dans les administrations publiques et la diffusion libre du journal socialiste Vorwärts. Après la guerre, les dirigeants socialistes jettent les bases de la République de Weimar qui succède au deuxième Reich.

En France, les socialistes se mobilisent contre la guerre en juillet 1914 par une motion qui menace de grève générale en cas de mobilisation, tout en affirmant qu’assurer la paix ne veut pas dire refuser de contribuer à la défense de la nation si la guerre éclatait. A peine trois semaines après le vote de la motion, les élus socialistes approuvent les lois d’organisation de la défense nationale présentées par le gouvernement. Deux représentants de la SFIO sont par la suite intégrés au gouvernement d’«Union sacrée» formé à la fin du mois d’août.

En Suisse, les représentants socialistes au Conseil national se rallient aussi au gouvernement. Mais la trêve ne dure pas. Face à la déroute de l’internationalisme, certains membres du PSS tentent de remettre en place une coalition et organisent les conférences de Zimmerwald (1915) et de Kienthal (1916). D’autre part, la guerre ayant gravement péjoré les conditions de vie de la population ouvrière à cause du renchérissement et de l’absence de compensation financière pour la mobilisation des soldats (les allocations pour perte de gain (APG) ne sont créées qu’en 1940). En réaction à cette situation, le mouvement ouvrier se mobilise et forme le comité d’Olten auquel des représentants du PS participent. Il organise la grève générale en novembre 1918. A suivre.

* Historienne.

Les volets 2 et 3 de la série paraîtront respectivement les 31 mai et 28 juin.

 

Opinions Chroniques Alix Heiniger

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lundi 15 janvier 2018

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