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Des religions liberticides

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Comme tout caractère culturel, une religion doit se transmettre, faute de quoi elle disparaît par sélection naturelle. Elle est ainsi condamnée à un prosélytisme minimal, pour maintenir son stock de paroissiens, ou maximal si elle prétend se répandre et vise l’universel. Le minimum consiste à assurer la reproduction en s’attaquant aux plus vulnérables: les enfants, dans le cadre familial, où on les endoctrine, souvent par un conditionnement «skinnerien» (par récompense-punition). Au delà, on élargit le cercle des paroissiens à une communauté, des villages, des régions, des villes, des pays, par des prises de pouvoir politiques et économiques. Les religions prosélytes s’attaquent aux faibles: analphabètes, miséreux, handicapés mentaux, colonisés et opprimés divers; tous sensibles à ce que, pour une fois, on s’intéresse à eux. Puis reconnaissants, prêts à croire n’importe quoi, pour un peu d’aide ou un peu d’amour. Prêts à se faire racketter par ceux qui les manipulent et embarqués, pour se sentir reconnus, dans des systèmes totalitaires de croyances incohérentes.

Au nom de prétendues libertés de religion ou de culte, les Etats-Unis autorisent une multitude de sectes qui imposent une vie sociale stéréotypée et une soumission aveugle aux prêtres, pendant qu’un racket financier ponctionne les paroissiens vulnérables. Parler de «liberté», quand on impose un système arbitraire de croyances non vérifiables et sa transmission obligatoire dans les familles, relève de l’escroquerie. La seule liberté religieuse est celle qui consiste à choisir soi-même, sans pressions ni contraintes, ce que l’on croit ou ne croit pas. A fabriquer sa propre religion et à en changer quand on en a envie. Ce qui suppose que le citoyen libre soit protégé des sectes et des religions qui imposent des systèmes et condamnent, parfois à mort et toujours à exclusion sociale, les «apostats»! Mais, quand des gouvernements européens ont pris des mesures timides contre les pratiques illégales de sectes étasuniennes racketteuses, l’autre côté de l’Atlantique a hurlé contre les atteintes à la «liberté de culte».

Le problème, pour limiter les abus des sectes, c’est qu’il n’y a aucune limite entre les sectes mafieuses envahissantes et les grandes religions traditionnelles. Celles-ci se sont développées, en des temps oubliés, par des méthodes semblables ou pires, qu’elles perpétuent souvent et qu’elles n’adoucissent que quand, ayant perdu le pouvoir politique, elles font semblant d’admettre des principes qui leur sont aussi étrangers que les droits humains, les libertés individuelles, la démocratie ou la science qui ridiculise leurs dogmes. Après des siècles de luttes, les scientifiques européens ont réussi à faire connaître l’état de la nature et son histoire vérifiable contre les récits mythiques des religions révélées. Mais la diffusion de cette science, qui devrait pouvoir mettre les humains d’accord sur l’essentiel, est interdite dans les théocraties et échoue dans beaucoup d’autres pays, qu’il s’agisse des Etats-Unis actuels, de la plupart des pays musulmans ou de pays du Sud gangrenés, comme le Brésil ou le Congo, par des sectes chrétiennes étasuniennes.

La méthode Trump des «vérités alternatives» a au moins le mérite de mettre un nom sur un phénomène qui a commencé avec les premiers prophètes. Quand une religion s’assoit sur un récit fondateur qui prétend à la vérité sacrée et non discutable, il s’agit, de toute évidence, d’une «vérité alternative», puisque n’importe quelle autre religion en a une différente. La «liberté de religion» conduit donc à un schmilblick de vérités alternatives contradictoires qui n’a que deux issues possibles. Soit la victoire, par les armes et la propagande, de l’une d’entre elles: c’est l’Arabie saoudite ou la Corée du nord. Soit l’abandon de la recherche de vérités absolues, au profit de la reconnaissance d’un état provisoire, réfutable et évolutif des connaissances. C’est ce que proposent, bien modestement, les sciences…

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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