Chroniques

Cher Père Noël

A rebrousse-poil

Je t’adresse cette lettre à une période de l’année où l’on peut supposer que tu es en train de reprendre ton souffle, de festoyer parmi les rennes et les lutins, dans ta lointaine Finlande. Qui oserait t’en blâmer, vu le travail de titan que tu abats chaque mois de décembre! Mais s’il te plaît, même si je te dérange dans tes vacances, penche-toi sur ma demande. De plus, exceptionnellement, laissant de côté tes habitudes, si tu consens à exaucer mes vœux, n’attends pas, pour le faire, la fête du petit Jésus: le temps est compté!

Je ne t’ai pas écrit depuis longtemps. Je l’avoue: j’ai cessé de croire en toi à l’âge de cinq ans. Je me rappelle encore mes pleurs, lorsqu’on m’avait révélé que tu n’étais qu’un personnage imaginaire, et mon terrible sentiment d’avoir été trahi. Ainsi, les adultes pouvaient mentir!

Aujourd’hui je reviens vers toi. Ah, si tu pouvais tout de même exister! Après tout, peut-être que les grands qui avaient ri de ma candeur, qui s’étaient moqués du petit garçon naïf attendant ton arrivée les yeux brillants d’espoir, peut-être qu’ils se trompaient! Ce serait si bien…

Je m’explique:

Dans quelques jours, le doux peuple vaudois va renouveler son parlement et son gouvernement. Bien sûr, dans sa clairvoyance, et comme il le fait depuis toujours, il va confier le pouvoir à des êtres intègres, dévoués, désintéressés, travailleurs. Mais, et c’est là qu’il faudrait que tu interviennes, j’aimerais en plus, cher Père Noël, que les autorités qu’il élira servent résolument la justice, la fraternité, le bonheur pour tous les humains.

En vrac et sans ordre hiérarchique, voici ce qu’il conviendrait qu’elles fassent, à peine assermentées:

Créer une caisse d’assurance maladie publique, où chacun cotisera selon ses revenus. Déclarer le canton de Vaud «Zone hors TISA». Eradiquer la précarité en garantissant un salaire décent à ceux que l’on appelle les «nouveaux pauvres»; dans ce domaine, enduire de goudron et de plumes ceux qui profitent de la faiblesse de leur prochain (bon… là, tu l’auras compris, je plaisante! Quoique…) N’accorder aucun avantage fiscal à quelque multinationale que ce soit. Accueillir avec bienveillance les demandeurs d’asile, et donc cesser d’appliquer les accords de Dublin. Limiter les écarts de salaires: que les plus élevés ne représentent jamais plus de 10 fois le montant des plus bas; enduire de goudron et de plumes… mais qu’est-ce que je dis là? Plutôt que de contraindre une partie des gens à se tuer au labeur tandis qu’une autre se morfond dans le chômage, diminuer le temps de travail, de manière à partager ce dernier.

Voilà pour notre environnement proche.

Au plan national et international:

Peser de tout leur poids pour que le budget militaire soit utilisé pour préparer la paix. Ne prendre aucun repos tant que les Palestiniens n’auront pas la liberté et leur Etat dans des frontières viables, tant que la Grèce ne sera pas débarrassée du joug des flibustiers de la finance.

Pour la suite, nous verrons plus tard.

Bien sûr, convaincre les Vaudois de n’élire que des représentants déterminés à appliquer ce programme t’imposerait un peu de travail. Mais je ne demande pas la lune: que du raisonnable! Et je ne vois que toi pour projeter d’un coup le canton vers un si bel avenir. Pour quelqu’un qui est capable de distribuer en une seule nuit des cadeaux à tous les bambins de la planète, ce serait un jeu d’enfant, non?

Comptant sur toi, j’attends, impatient et confiant, le verdict des urnes.

D’avance, cher Père Noël, merci!

Michel Bühler

PS: Si cette lettre reste sans effet, je devrai me résoudre définitivement à admettre ton inexistence, et j’en serai très triste. Mais il n’est certes pas nécessaire de croire en toi pour vouloir le meilleur. Cela ne m’empêchera donc pas de continuer à me battre. Sans ton aide, ce sera plus difficile et plus long, oui, mais je ne doute pas de l’issue du combat: si je suis seul à t’écrire aujourd’hui, je ne suis pas seul à espérer.

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