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Abstention piège à cons

Entre les deux tours de la primaire de la gauche, Dario Ciprut revient sur les résultats du premier round, qui a donné dimanche dernier l’avantage à Benoît Hamon, suivi par Manuel Valls.
France

Les tergiversations du Parti socialiste français sur l’effectif des votants (1,3 ou 1,6 million?) à la primaire citoyenne ne peuvent masquer que le compte n’y est pas, même si la joie mauvaise de certains insoumis mélencholâtres à appeler à l’estocade est le plus sûr garant de la défaite commune. Vincent Peillon [arrivé 4e] est lucide sur la nécessité impérieuse du rassemblement pour ne pas faire insulte à l’espoir, mais pas autour de l’imprécateur Valls glorifiant le renoncement au prétexte d’un réalisme qu’il serait seul à assumer et d’une autorité de présidentiable qu’il veut à nulle autre pareille.

Le bilan de ce quinquennat est pour le moins mitigé. Il est surtout dévalué aux yeux d’une majorité de citoyens, qui se détournent de la vie civique en rongeant leur frein, et a contraint le président sortant à jeter l’éponge. Manuel Valls tout comme Emmanuel Macron [candidat hors primaire à l’élection présidentielle] n’ont rien de substantiel à offrir sinon prolonger la pénitence par crainte du pire encore promis par les droites dure comme extrême. Les quelques acquis engrangés par l’ex-premier ministre tiennent à de notoires avancées égalitaires dans les mœurs, au refus des dégraissages dans l’éducation et la police, à la réussite réelle autant que menacée de la COP21, à la résolution dans la confrontation au terrorisme ainsi qu’au maintien, tant bien que mal, du rang international d’une France affaiblie dans un environnement géopolitique où règnent l’ethnocide, le meurtre de masse et la terreur.

La gauche finirait de se déjuger si, comme le propose Valls, elle assume fièrement cinq années de courbettes aux puissants pour qu’ils daignent embaucher et autant d’agenouillements timorés devant une finance mondiale dérégulée, prétendument honnie. Elle perd âme et crédit si elle persiste dans le grignotage de la protection de la loi par l’arbitraire entrepreneurial, le verrouillage des frontières pour plaire aux pourfendeurs du droit d’asile et aux chasseurs de romanichels; si elle entonne à l’unisson le mantra néolibéral de la réduction des déficits publics et de la croissance salvatrice, fragilise les protections acquises en matière de retraite et de santé, abandonne les médias à la voracité de magnats et brade le tissu industriel et la recherche sur l’autel de la compétitivité productiviste des nucléocrates.

Enfin, comment oublier que le camarade Valls a été le premier à sacrifier le droit républicain aux urgences sécuritaires et la délibération parlementaire à l’argument d’autorité qu’il se prend à regretter? Cette trop longue liste de gâchis ou abandons justifie et explique la désaffection de l’électorat désorienté ou écœuré, la montée en puissance de la fronde militante et la victoire au premier tour du candidat au renouvellement de ce logiciel délétère, Benoît Hamon. C’est aussi ce qui motive le ralliement proclamé d’Arnaud Montebourg [arrivé 3e] et celui, tacite, de Vincent Peillon [s’il a évoqué son «ami» Montebourg dans son discours de défaite, l’ancien ministre de l’Education n’a pas donné de consigne de vote]. Voilà qui ouvre, en dépit de contorsions de futurs macroniens et nostalgiques hollandais, sur une nette défaite de Valls au tour qui vient.

Encore faut-il transformer l’essai pour conjurer une désunion menant à la victoire de Fillon par peur de pire: lever l’hypothèque du Valls relooké en Macron et ramener à la raison une paire de gauche assurée de perdre si personne ne s’efface devant le plus populaire. Le nécessaire débat, qui n’a rien de l’opposition stérile entre le rêve et le réel, doit être ouvert et porter sur l’ouverture du chantier de l’intervention citoyenne.

J’appelle tous les déçus du quinquennat moribond à se déplacer coûte que coûte pour soutenir Benoît Hamon dimanche prochain.

Dario Ciprut, chercheur indépendant.

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