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Situation sanitaire des demandeurs d’asile coincés en Grèce: une honte pour l’Europe!

À votre santé!

On entend ces jours-ci les responsables politiques se réjouir que la vague de l’«immigration» en Europe ait été contenue en 2016; plus près de chez nous, le canton de Vaud se félicite de la fermeture de trois abris PC, faute de demandeurs d’asile! Et pourtant, on compte, pour la seule Syrie, près de 5 millions de réfugiés (dont plus de 4 millions en Turquie, au Liban et en Jordanie) et 7 millions de déplacés internes: cela représente 60% de la population syrienne et ce ne sont pas les derniers combats à Alep qui ont amélioré ces chiffres… Les civils continuent d’être les victimes directes des affrontements et cherchent à fuir un présent impossible. Mais ils n’arrivent plus jusqu’en Europe, qui a fermé ses portes autant qu’elle le pouvait, laissant malgré tout un solde de 5000 décès en mer Méditerranée – des demandeurs d’asile qui, tous ou presque, auraient relevé des Conventions de Genève et auraient dû obtenir le statut de réfugiés.

En Grèce, qui était le pays par où passait le plus grand nombre de demandeurs d’asile fuyant les conflits armés en 2015, les «Centres de réception et d’identification» – lieux d’accueil aux portes de l’Europe, et donc de transit sur la route des Balkans – sont devenus depuis mars 2016, avec l’inique accord entre les pays européens à l’instigation de l’Allemagne et de la Turquie, des centres de rétention, où les demandeurs d’asile restent coincés, attendant pour certains d’être «relocalisés» dans d’autres pays européens ou renvoyés en Turquie.

Par exemple, sur l’île de Lesbos, ils sont près de 5000 – alors que, selon les estimations des autorités grecques, il ne devait pas y en avoir plus de 3000! – qui vivent dans une promiscuité effroyable, logeant sous une tente «individuelle» ou dans de grandes tentes sans aucune privacité. La promesse faite de construire des «portacabines» qui auraient amélioré le logement, au moins pour les familles, ne s’est toujours pas réalisée. Malgré l’hiver et les forts vents, il n’y a souvent pas d’accès à l’eau chaude, un nombre largement insuffisant de points d’eau ou de douches, sans compter qu’il est impossible de se faire à manger et qu’il y a de longues files d’attente pour avoir droit aux repas préparés et distribués par les autorités. Les familles n’ont pas de possibilité de stocker de la nourriture et les petits enfants n’ont accès à du lait que parce que des ONG en distribuent.

On se souviendra que MSF avait décidé, en mars 2016, de se retirer de ces centres devenus des prisons comme signe de protestation contre la politique de l’Europe, contrairement à Médecins du Monde (MdM) qui, à l’instigation de sa délégation grecque, s’est laissé convaincre que l’Etat grec, soumis à de fortes pressions de la «Troïka», n’avait pas les moyens d’assurer des soins à ces populations très vulnérables. C’est d’ailleurs MdM qui fournit un minimum d’accès aux soins, qui a fait pression pour qu’une campagne de vaccination soit organisée en décembre afin d’éviter la survenue d’une épidémie infectieuse, qui tente d’assurer les traitements pour les personnes souffrant de maladies chroniques, et qui continue de mettre en lumière tous les manquements dont souffrent ces demandeurs d’asile. MdM est aussi là pour témoigner du désespoir des demandeurs d’asile coincés dans ces centres, désespoir en partie lié à l’incertitude quant à leur avenir.

C’est dire combien les difficultés psychologiques sont présentes. Elles sont source de tensions qui peuvent dégénérer à tout moment et expliquent les débordements qui ont causé la mort de deux personnes fin novembre 2016. Bien que la plupart des gens soient là depuis plusieurs mois, rien n’a été fait pour faciliter un tant soit peu leur intégration, pas même en scolarisant les enfants. Par ailleurs, sur les 160 000 réfugiés qui devaient être admis en Europe jusqu’à fin 2017, selon les promesses de la Commission européenne, seuls 8200 ont été «choisis», dont 6000 qui ont obtenu un statut légal en Grèce! Et l’accord de réadmission en Turquie patine, lié à des considérations géopolitiques qui rendent ces «migrants», comme on les appelle cyniquement, nouvellement victimes.

Il faut le dire: la diminution des demandeurs d’asile en Suisse est le fruit d’une politique inique, qui tend à «externaliser» le problème et à laisser des familles entières sans solution avec des enfants complètement livrés à eux-mêmes, sans parler des mineurs non accompagnés qui doivent, au milieu de cette jungle, se débrouiller seuls ou mourir. D’autant que le Haut Commissariat pour les réfugiés, entité onusienne, n’a pas les moyens d’assurer le minimum dans les camps de réfugiés proches de la Syrie, faute de soutiens accordés par la communauté internationale.

La Suisse est complice.

Et pourtant, le préambule de notre Constitution ne dit-il pas que «la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres»? Mais me direz-vous: les réfugiés n’en font pas partie!

Bernard Borel est pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

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lundi 8 janvier 2018

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