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Consternation(s) et politique de mobilité

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Mardi 1er novembre, les associations Pro Vélo et Actif-trafic1 value="1">Lire C. Beausoleil, «Luc Barthassat épinglé», Le Courrier du 2 novembre 2016. décernaient deux prix à Luc Barthassat, ministre des Transports du canton de Genève, soulignant l’incurie de sa politique de mobilité. Récemment, le même ministre s’est distingué par des propositions particulièrement avant-gardistes comme d’autoriser les scooters et motos à rouler sur les voies des bus (le réseau de transports publics à Genève étant déjà le plus lent du pays!) ou de mettre à disposition des habitant-e-s des voitures en libre-service pour accomplir de courts trajets au centre-ville, à défaut de réaliser le même système avec des vélos. M. Barthassat propose aussi la circulation automobile alternée sur une base volontaire lors des périodes de pics de pollution2 value="2">Lire E. Lecoultre, «Prière de laisser sa voiture au garage», Le Courrier du 9 novembre 2016..

M. Barthassat n’aime apparemment pas les transports publics et pas non plus les vélos. En fait, la mobilité douce, c’est pas vraiment son truc. En tout cas, à voir son bilan politique dans le secteur de la mobilité, ça ne saute pas aux yeux.

Mais ne jugeons pas M. Barthassat trop durement, car, en vérité, il s’inscrit dans une tradition de Genfereien en termes de mobilité qui mérite un petit retour historique.

Au milieu du XIXe siècle, le gouvernement radical récemment arrivé au pouvoir détruit les fortifications permettant ainsi à la zone urbaine de Genève de s’étendre. Cette initiative, qui a rendu disponibles de vastes terrains en centre-ville, n’est pourtant pas l’occasion pour les autorités de planifier le développement de la ville et de ses voies de communication. Il faut attendre le tournant du siècle pour que le premier plan d’extension s’attelle à cette question.

A cette époque, les plus fortunés circulent en calèche, et les autres à pied, à vélo ou en tramway. En 1862, Genève est la première ville de Suisse à accueillir des tramways, alors tirés par des chevaux. Au tournant du siècle, la Compagnie genevoise des tramways électriques (CGTE) est à la pointe de la technologie moderne: en 1904, elle met en service la ligne la plus raide de Suisse qui relie la rue de la Monnaie à la rue d’Italie en passant par le Bourg-de-Four. Mais après quatre mois d’exploitation et plusieurs incidents, la ligne est supprimée, car le freinage est très difficile à maîtriser dans la rampe de la rue de la Cité.

Le réseau continue néanmoins à s’étendre. Il relie la ville aux localités comme Versoix, et traverse même les frontières pour atteindre Gex, Douvaine, Saint-Julien ou le pied du Salève. Dans les années 1920, Genève possède le réseau le plus vaste de Suisse avec presque 170 kilomètres de voies (contre 423 km aujourd’hui, avec les bus).

Dès 1928, des autobus commencent à remplacer les trams sur les lignes de campagne moins rentables. Les trams disparaissent ainsi progressivement jusqu’en 1977, quand l’Etat rachète la Compagnie. Il ne subsiste alors que la ligne 12, qui reste la seule voie de tram jusqu’au renouveau des années 1990.

Alors que les bus remplacent les trams, Genève s’intéresse davantage à son réseau routier. Après la Deuxième Guerre mondiale, les voitures automobiles se multiplient dans les villes occidentales. Dans les années 1960, elles partagent la chaussée avec les transports publics. Aujourd’hui, nous héritons de cette politique urbaine qui n’a pas préservé les transports publics et les a fait cohabiter avec les véhicules individuels sur la même chaussée, ce qui provoque les ralentissements que nous connaissons actuellement. Se trouver dans un bus (et même parfois un tram) pris dans les embouteillages au même titre que les voitures est une véritable Genferei quotidienne.

Genève souffre clairement aujourd’hui de sa politique de mobilité. Tous les jours de la semaine, la ville est congestionnée par un trafic automobile bien trop dense, qui occasionne régulièrement des pics de pollution dangereuse pour notre santé.

Les derniers aménagements urbains ne favorisent pas vraiment la mobilité douce. La place Cornavin en est un des exemples les plus catastrophiques pour lequel M. Barthassat a justement reçu la «Sandale trouée». Cette récompense dénonce les dangers pour les piétons, mais ce n’est pas le seul aspect problématique de Cornavin. On aurait aussi pu pointer la congestion des transports publics, la sortie du parking au milieu de la place et l’espace ridicule pour garer les vélos… Mais ça ferait peut-être trop de distinction pour un seul homme…

Notes[+]

* Historienne.

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