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La thune, les femmes et l’égalité: les contradictions des partis de droite

ENTRE SOI.E.S

Si l’on en croit les partis politiques suisses, les discriminations que subissent les femmes sont une préoccupation de tou-te-s. Le combat pour l’égalité, historiquement porté par les courants féministes et de gauche, est aujourd’hui sur toutes les lèvres de droite. La conciliation entre vie familiale et professionnelle est la priorité N°1 des femmes PLR, et tout récemment dans le 24 heures, le président des Jeunes UDC vaudois expliquait l’intérêt des femmes pour son parti en ces termes: «Nous sommes actifs sur des thèmes qui touchent les femmes, comme leurs droits, la discrimination, l’égalité salariale à travail égal, la sécurité, etc.»

Il suffit pourtant d’un rapide coup d’œil sur les dernières prises de position de ces partis au sujet des conditions de vie matérielles des femmes pour comprendre qu’ils ne s’adressent qu’à une partie d’entre elles: celles qui ne coûtent pas un rond. À droite, on est donc pour l’égalité, mais contre l’augmentation des rentes AVS et pour la hausse de l’âge de la retraite, alors que les femmes sont les retraitées les plus précaires. On est pour l’égalité, mais contre le congé paternité et contre le développement des crèches publiques, alors que la double journée est la réalité de la plupart des mères.

Garantir des conditions de vie dignes aux femmes a toujours été au centre des luttes féministes, tant cela constitue la condition de base de l’obtention d’une égalité véritable. Heureusement, grâce aux combats collectifs, une partie des femmes ont pu bénéficier de conditions de travail plus favorables et d’une meilleure reconnaissance professionnelle. Il peut donc sembler possible pour toutes de s’épanouir grâce au travail. Mais qu’en est-il de la persistance de la division sexuelle du travail et des inégalités salariales?

Pour les mieux loties, les tâches domestiques sont généralement externalisées: mamans de jour, femmes de ménage, aides à la personne… Dans une optique méritocratique, le PLR va jusqu’à défendre le système néolibéral comme voie d’émancipation, tout en invisibilisant le travail domestique désormais pris en charge par d’autres femmes, très souvent migrantes, parfois sans statut légal, et toujours insuffisamment payées. «Pour que le top ne soit pas less», le slogan des femmes PLR, en est une illustration accidentellement cynique. La préoccupation des libérales, ces femmes au top, est de pas être entravées dans la conciliation entre famille et emploi – priorité N°1 de la section, pour rappel –, même lorsqu’elle se fait sur le dos de fonctionnaires et employé-e-s auxquel-le-s leur parti refuse des mesures collectives pour améliorer leurs conditions de travail. Parce que ça coûte cher aux patron-ne-s.

La précarité des emplois féminins et la conception individualiste de l’émancipation des femmes qui prédomine actuellement font que certaines femmes préfèrent défendre une vision traditionnelle de leur rôle, collant ainsi à la vision de la mère de famille nucléaire et nécessairement hétérosexuelle, telle que prônée par l’UDC et le PDC. Au sein de ces partis, l’affirmation positive du rôle de femme au foyer se fait au détriment du droit à d’autres choix de vie: accès à l’IVG, égalité en matière de genre et d’orientation sexuelle, etc. Les femmes ne seraient pas faites pour être autonomes mais pour être les garantes de la famille comme noyau de la patrie. La famille devient paradoxalement le lieu de la sécurité face au système libéral, alors que le foyer est là où les femmes sont les plus vulnérables aux violences sexistes. Mais la parade est trouvée: la lutte pour l’égalité se réduit à attribuer aux hommes étrangers, musulmans ou récidivistes l’apanage du sexisme, et d’y répondre de façon sécuritaire et nationaliste.

Reste l’égalité salariale qui semble faire consensus. Sur ce sujet, les droites s’empressent toutefois de préciser «à travail égal», histoire de bien faire remarquer qu’il s’agit de garantir un traitement égalitaire aux femmes qui réussissent à obtenir exactement les mêmes positions que les hommes, malgré les nombreux obstacles. Il n’est donc pas question d’œuvrer à faire diminuer les inégalités entre femmes, ou à remettre en question l’idéologie du «séparés mais égaux».

L’obtention de l’égalité entre femmes et hommes a donc un prix à droite: elle ne doit pas remettre en cause les privilèges des hommes, et des quelques femmes qui ont réussi à atteindre une position professionnelle favorable. Les droites ne semblent donc s’engager en faveur des femmes que lorsque cela leur permet de maintenir en place le système actuel, un système loin d’être émancipateur pour tou-te-s et qui produit d’autres formes d’exploitation: de classe, de race, de genre, empêchant ainsi à la plus grande partie des femmes d’accéder à cette fameuse égalité.

* Chercheuses en sciences juridiques et sociales.
Pour aller plus loin, empressez-vous de lire Andrea Dworkin, Nancy Fraser et Sara R. Farris

Opinions Chroniques Djemila Carron et Marlène Carvalhosa Barbosa

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lundi 8 janvier 2018

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