Chroniques

La pollution atmosphérique responsable d’un décès sur dix dans le monde

À votre santé!

Le fait de respirer de l’air pur est considéré comme une condition essentielle de la santé et du bien-être de l’être humain. On a pu établir depuis 1952, année où le fameux smog londonien était plus tenace que d’habitude, un lien direct entre la pollution atmosphérique et l’apparition de maladies, essentiellement pulmonaires et cardiaques. Depuis, de nombreuses études ont montré que les métaux lourds, en particulier le plomb, le soufre, l’ozone au sol et les particules dites fines (PM10), sont les polluants les plus à risque pour la santé. C’est pourquoi l’OMS a édicté des normes ou seuils de tolérance pour ces substances, en fonction des connaissances du moment, qu’elle révise périodiquement et qui sont donc à disposition des autorités publiques. Elles ont permis par exemple en Suisse de prendre des mesures depuis trente ans, telles que l’exigence de la vente de carburant sans plomb et sans soufre et l’introduction des catalyseurs. C’est ainsi que, malgré le doublement du trafic routier depuis lors, l’air que nous respirons est meilleur.

Il n’en reste pas moins que, dans beaucoup de zones urbaines ou semi-urbaines (comme le Chablais où j’habite; et même après la fermeture de la raffinerie de Collombey!), les valeurs moyennes annuelles pour les particules PM10 sont à la limite supérieure et les pics journaliers tolérés sont dépassés plusieurs fois par année. C’est dire que tout n’est pas résolu puisque ces charges en poussières fines touchent plus de 40% de la population. C’est ainsi qu’en Suisse trois mille personnes meurent encore chaque année des conséquences de la pollution atmosphérique. L’étude SAPALDIA, qui a examiné les liens entre la qualité de l’air et la santé, a permis de démontrer que les personnes exposées à une plus grande charge de polluants ont un risque plus élevé de contracter différentes maladies ou de présenter certains symptômes, les maladies cardiaques étant plus liées aux pics journaliers et les maladies pulmonaires au niveau annuel de pollution. Même si les concentrations de polluants sont relativement faibles, et donc en dessous de normes de sécurité établies, il faut s’attendre à des effets sur la santé. L’étude a aussi révélé qu’une amélioration de la qualité de l’air freine la dégradation de la fonction pulmonaire liée à l’âge et diminue les symptômes respiratoires. Il faut encore dire que cette même étude, dans son volet pédiatrique, a bien établi la relation entre la teneur de l’air en particules PM10 et les bronchites asthmatiformes, cela dès la présence de concentration même faible de ce polluant.

Au niveau mondial, la situation est pire, en particulier dans les pays dits émergents comme l’Inde, la Chine ou la Russie, ou dans les grandes mégapoles comme Mexico. Un récent rapport de la Banque mondiale nous rappelait que la pollution atmosphérique cause près de cinq millions de décès par année et aurait coûté 5000 milliards de dollars de dommage en 2013. Plus intéressant encore est de constater que dans ces pays dits émergents, durant ces trente dernières années, la pollution atmosphérique a augmenté terriblement; à tel point que, selon le rapport, 87% de la population mondiale respire un air qui ne respecte pas les normes actuelles – encore trop permissives au vu de la littérature scientifique actuelle – de l’OMS, en particulier en ce qui concerne les particules fines.

Il est donc clair que, comme le rappelait récemment le Lancet, revue médicale prestigieuse, la pollution atmosphérique représente un risque majeur pour la santé et tue plus que le sida, la tuberculose et les accidents de la route réunis. C’est dire que cela mérite des interventions publiques fortes à la fois légales et politiques. Sinon, la situation qui prévaut en Afrique, révélée la semaine passée par Public Eye (ex Déclaration de Berne), où des sociétés suisses, profitant de l’incurie des gouvernements locaux pour s’enrichir davantage, vendent du carburant contenant trop de soufre en faisant fi des connaissances scientifiques prouvant les atteintes à la santé, va continuer.

Comme le rappelle l’OMS: «La plupart des sources de pollution de l’air extérieur en milieu urbain ne sont pas du ressort des personnes et exigent l’intervention des municipalités, ainsi que des décideurs nationaux et internationaux afin de promouvoir des modes de transport plus écologiques, une production d’énergie plus efficace et une bonne gestion des déchets.»

C’est peut-être aussi une bonne raison pour voter ce dimanche pour l’initiative «pour une économie verte».
 

* Pédiatre FMH, président de Médecins du monde Suisse.

Opinions Chroniques Bernard Borel

Chronique liée

À votre santé!

lundi 8 janvier 2018

Connexion