Cinéma

Deux films pour l’exemple

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Dans le flux tendu de l’actualité, controverses et calamités se bousculent, ne reflétant finalement que la confusion du monde. Pour prendre du recul, d’autres images ont leur rôle à jouer. C’est dans les salles obscures qu’il faut parfois aller chercher un peu de lumière. Mercredi sortent en effet deux films qui, du passé éloigné ou plus proche, éclairent le présent et scrutent l’avenir. D’une part Un Juif pour l’exemple de Jacob Berger, adaptation du fameux roman de Jacques Chessex sur le crime antisémite de Payerne en 1942. D’autre part Clash de Mohamed Diab, retour sur les émeutes qui ont suivi la destitution du président islamiste Morsi en Égypte durant l’été 2013. Ancrés dans des époques et réalités très différentes, ils n’ont à première vue pas grand-chose en commun. Et pourtant, chacun transcende son sujet a priori pour déployer une réflexion plus large, dont les résonances contemporaines s’avèrent assourdissantes.

Avec Un Juif pour l’exemple, Jacob Berger évite le pensum bien-pensant sur le devoir de mémoire, comme la diatribe attendue contre la Suisse pas très nette de la Seconde Guerre mondiale. Introduisant des éléments modernes dans la reconstitution historique (immeubles, véhicules ou uniformes de police), le cinéaste genevois souligne avant tout le parallèle à tirer entre l’Europe d’alors et celle de nos jours: crises économiques, montée des nationalismes, boucs émissaires désignés à la vindicte populaire, etc. Quant à la question des réfugiés, elle s’invite dès la scène d’ouverture, où des gardes-frontières tirent en l’air pour mettre en déroute des juifs fuyant l’Allemagne nazie. La Suisse de cette période peu glorieuse, insensible à la «misère du monde», est-elle si différente de celle qui applique aujourd’hui sans sourciller les accords de Dublin?

Au même titre, Clash ne se contente pas de nous donner des nouvelles de la révolution égyptienne. Enfermant des manifestants de tous bords dans un fourgon de police, Mohamed Diab décrit certes le chaos et la violence d’une transition incertaine vers la démocratie. Mais il montre surtout une société profondément divisée, sur le point de basculer dans la guerre civile. Au-delà du contexte égyptien, le cinéaste renvoie à un climat d’intolérance et de confrontation qu’on retrouve autant en France qu’aux États-Unis.

Chacun à leur manière, ces deux films portent ainsi un regard lucide sur notre présent et ses inquiétantes perspectives d’avenir. Oscillant entre peur et espoir, ils tirent la sonnette d’alarme. Le monde instable et polarisé qu’ils racontent est celui de l’après-11-Septembre. Alors qu’on célébrait hier le sinistre anniversaire de cet événement traumatique, ses répercussions n’ont jamais paru aussi évidentes. Il y a quinze ans, l’attentat d’al-Qaïda ouvrait une nouvelle séquence historique, une ère où la Terreur rend sourd et aveugle.

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