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La RIE III prive Genève de centaines de millions

La version genevoise de la 3e réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) risque de prétériter, à moyen terme, les prestations publiques. Le personnel de la fonction publique doit rester vigilant, prévient Paolo Gilardi, syndicaliste au SPP.
Fiscalité

Comme l’an passé, l’ombre de la RIE III va planer sur les péripéties budgétaires à venir. Mais, s’il y a un an, c’était dans les poches du personnel et des usagers qu’on prévoyait de piocher, cette année, associations patronales, partis bourgeois et gouvernement semblent tomber d’accord sur un fait: il faudra s’endetter pour compenser les pertes dues à la RIE III. «Irresponsable» quand il s’agissait de garantir les conditions de travail et les prestations, l’aggravation de la dette deviendrait tout à coup «supportable».

Sans que qui que ce soit puisse vraiment le chiffrer, le cadeau aux grandes entreprises qu’est la RIE III devrait représenter plusieurs centaines de millions, voire  un milliard de francs par an. Pour les patrons et les partis bourgeois, à défaut de pouvoir supprimer l’impôt sur les bénéfices, il faut réduire son taux; de 22% vers un «standard lémanique», autour des 13-13,8%. Baisser l’impôt de qui réalise d’énormes bénéfices – UBS, Crédit suisse, Implenia ou Löschinger, pas le boulanger du coin – serait une mesure de …«relance». Selon une étude présentée par le Conseil d’Etat, le «moins d’impôts» payé serait réinvesti, suscitant la «relance», la demande de main-d’œuvre, la hausse des paies et … des rentrées fiscales.

Sauf que ce cercle vertueux n’est que théorique. En effet, dans le monde réel, personne ne peut garantir que les capitaux soustraits à l’impôt seraient réinvestis, qui plus est à Genève, et pas reversés aux actionnaires sous forme de dividendes. Cependant, l’étude demandée par le gouvernement comporte une conclusion étonnante: «cette baisse [de la fiscalité des ­entreprises] ne doit pas être compensée par […] une baisse des dépenses publiques». Autrement dit, pour que la relance ait lieu, il faudra que l’État continue à dépenser…

Et, puisque les rentrées fiscales vont diminuer et que le personnel n’est pas prêt à se laisser imposer l’augmentation du temps et des rythmes de travail, cet argent que les patrons ne verseront plus, il faudra le trouver ailleurs. En empruntant. En juin dernier, Serge Dal Busco, le patron des Finances, a chiffré le coût de ce recours à l’emprunt: un milliard par an!

Ainsi, du MCG au PLR, tous les partis bourgeois se sont dits prêts à suspendre provisoirement certains corsets budgétaires (frein à l’endettement, halte aux déficits…). Faisant preuve de souplesse, ils souhaitent aggraver la dette, non pas pour garantir de bonnes conditions de travail, mais au nom des intérêts des grandes entreprises. Ils seraient d’accord d’accepter, «pendant deux ou trois ans», des budgets déficitaires. Ainsi que l’écrit la Tribune de Genève (25 août), «les partis et le Conseil d’État n’ont d’autre choix que de trouver la quadrature du cercle: un taux d’imposition suffisamment séduisant pour les entreprises sans réduire les prestations publiques», et, ajouterions-nous, sans s’en prendre au personnel qui sait, à coups de grèves, renvoyer le gouvernement dans les cordes.

L’heure est-elle dès lors à l’optimisme? Loin de là, car, rien n’est acquis. Par exemple, Alexandre de Senarclens, président du PLR, conditionne l’acceptation par son parti de budgets déficitaires à la réduction de 5% les dépenses de l’État. Lorsqu’on connaît l’autorité du Conseil d’État sur le parlement, on est en devoir de rester sur nos gardes. Saura-t-il, lui qui a réussi l’exploit de coaliser l’ensemble des partis représentés au parlement contre son projet de budget 2016, discipliner ses troupes autour d’un budget 2017 déficitaire? On n’en sait rien. Mais si, comme l’écrit la Tribune de Genève, «un échec des partis gouvernementaux à s’accorder, comme en 2016, serait […] de mauvais augure pour l’adoption [de la RIEIII] par le peuple», il est plus qu’important de mettre le poids du personnel dans la balance afin d’obtenir un budget qui nous soit favorable.

Sans prétendre à des mobilisations comparables à celle de l’automne passé – il s’agissait alors de repousser une attaque particulièrement brutale –, la vigilance du personnel est indispensable: pour éviter des budgets d’austérité et pour construire le rapport de forces contre la RIEIII.

Et pour ne pas devoir, dans quelques années, payer le prix d’une dette creusée au nom des cadeaux aux actionnaires d’UBS, du Crédit Suisse ou encore d’Implenia…

* Syndicat des Services publics – SSP région de Genève.
Article paru dans Services Publics n°14, le journal du SSP.

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RIE III

jeudi 12 janvier 2017
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