Chroniques

L’avenir incertain des jeunes avec des troubles psychiques

Les dernières ­révisions législatives ont reposé sur des motivations financières. L’idée, actuellement à l’étude, de favoriser l’insertion professionnelle plutôt que la rente AI pour des jeunes adultes souffrant de troubles psychiques inquiète le Centre social protestant.
Assurance-invalidité

La Loi sur l’assurance-invalidité (LAI) a été modifiée à trois reprises entre sa création en 1960 et 1992. Ce rythme de modifications s’est nettement accéléré depuis, avec trois révisions entre 2004 et 2012. Aujourd’hui, les jeunes présentant des troubles psychiques constituent le nouveau «groupe cible» sur lequel la ­Confédération porte son attention.

La volée de révisions récentes de la LAI fut motivée essentiellement par des préoccupations financières: l’augmentation importante de nouvelles rentes AI octroyées dans les années 1990 fragilisait les caisses conjointes de l’assurance-invalidité et de l’AVS. Trois révisions successives ont fait baisser de moitié le nombre de nouvelles rentes octroyées annuellement entre 2003 et 2013. Par cette diminution – considérable – les comptes de l’AI sont redevenus acceptables.
Ce résultat découle en bonne partie des restrictions posées à l’octroi d’une rente pour les personnes souffrant de maladies qualifiées de «troubles non-objectivables» (fibromyalgie, troubles somatoformes…). Des exigences de preuves inatteignables, une conception de la maladie comme surmontable «par un effort de volonté raisonnablement exigible» (Bulletin des médecins suisses 2015, 96), ont permis d’évincer de nombreux demandeurs de rente AI. Cette pratique a heureusement été cassée par le Tribunal fédéral en 2015. à l’heure actuelle, peu de choses sont connues, étudiées ou dites sur le sort des personnes dont la demande a été refusée. Si certaines ont pu bénéficier de mesures d’insertion professionnelle proposées par l’AI, qu’en est-il des autres?

Le sort des jeunes. Un groupe a échappé pour l’heure à cette politique restrictive: il s’agit des jeunes entre 18 et 24 ans présentant des troubles psychiques, pour lesquels le nombre de rentes AI octroyées est resté quasiment stable d’année en année. Face à ce constat, la Confédération considère ce groupe comme prioritaire dans le «développement continu de l’AI». Une procédure de consultation à ce sujet s’est terminée ce printemps et devrait être discutée dès cet automne. L’objectif en est de favoriser l’insertion professionnelle plutôt que la rente.

Dans le débat qui s’annonce, les enjeux sont énormes pour les jeunes concernés. Certaines voix politiques s’élèvent déjà pour qu’aucune rente AI ne soit octroyée avant l’âge de 30 ans, laissant entendre que la maladie psychique peut disparaître comme par magie, par simple décision.

Jeunesse et maladie psychique: une double complexité. Or, le domaine de la maladie psychique est en soi touffu, complexe, nuancé, reposant sur un faisceau d’éléments objectifs et d’autres relatifs. Qu’elle soit professionnelle ou sociale, l’insertion repose quant à elle autant sur l’individu concerné que sur les modalités du groupe dans lequel celui-ci désire s’insérer. L’AI se situe à l’intersection de ces deux complexités, à laquelle se rajoute celle de la jeunesse, par définition en mouvement, dont les personnalités sont en cours de constitution…

Formons le vœu que les acteurs impliqués dans ce travail de redéfinition de la position de l’AI face aux jeunes en difficulté psychique sauront admettre ces complexités. Que le nouvel équilibre qui sera redéfini entre le soutien à apporter à ces jeunes et les exigences formulées à leur égard saura s’établir dans la nuance. Que les efforts demandés à l’individu concerné pour son insertion professionnelle resteront décents et tiendront compte de la réalité hyper-compétitive du marché de l’emploi.

* Animateur à l’Atelier Galiffe du Centre social protestant (CSP), asso-ciation membre de la NAC. L’Atelier Galiffe, destiné à des adultes souf-frant d’isolement, à la recherche d’activités et d’une insertion sociale, accueille 150 personnes par an. Dont 80%, atteintes de troubles psychiques, bénéficient d’une rente AI. Financé pour moitié par l’Etat, l’Atelier Galiffe est un cadre thérapeutique ancré dans le champ social. Considéré comme un lieu «à bas seuil», il est ouvert à tous; le rythme de fréquenta-tion y est libre et il n’y est pas tenu de dossiers individuels.

Opinions Chroniques Denis Schneuwly

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