Chroniques

Des distances, pas des vacances

L'Impoligraphe

Donc, c’est les vacances. Et alors? On ne devrait pas dire (ni prendre) des «vacances», on devrait dire (et prendre) de la distance. La vacance, c’est le vide. La distance, c’est la liberté critique. Le regard porté d’un peu plus loin, d’un peu plus haut, sur ce à quoi on se plie dans la vie normale – y compris la vie politique, quand on y participe. Prenons-en donc un peu, de cette distance. Il faut bien dire que le moment s’y prête: on vient de sortir de la connification de masse de l’eurofoot, on n’est pas encore entrés dans l’olympisme mercantilisé, on a juste le Tour de France, ce banc d’essai des dernières découvertes de l’industrie pharmaceutique, pour se crétiniser encore un peu devant son poste.

Prendre de la distance, donc. Du recul. Se défaire de l’actualité, si exigeante qu’elle soit. Et quelque soit notre envie de la commenter. Se demander pourquoi diable on fait tout ce qu’on fait sans que rien ne nous y oblige: à part ce que notre survie nous contraint à faire, respirer, boire, manger, pisser et chier, nous ne faisons que ce que nous avons choisi de faire – ou choisi de ne pas renoncer à faire, ce qui revient strictement au même. Et cela vaut, évidemment, pour nos engagements politiques comme pour tous les autres – sociaux, familiaux, amoureux…

Nous sommes libres. Fondamentalement, ontologiquement, définitivement. Et notre liberté est absolue: ses seules limites sont celles que nous acceptons, soit que nous nous les imposions nous-mêmes, soit que nous renoncions à nous y opposer lorsqu’elles nous sont imposées par d’autres, que ce renoncement soit de paresse devant l’effort de la résistance, ou qu’il soit de recul devant le prix à payer pour cette résistance. Mais en même temps que nous sommes libres, nous sommes responsables de nos actes, et cette responsabilité est aussi totale que notre liberté. Libres, nous sommes aussi sans excuse (et surtout sans celle de l’ordre reçu) pour ce que nous faisons, quoi que nous fassions. Quoi qu’on nous dise de faire, et qui que ce soit qui nous le dise, nous pouvons le refuser: accepter de payer le prix de ce refus est le revers de la responsabilité prise de ne pas refuser – sinon, pourquoi condamner les nazis plaidant la circonstance atténuante de n’avoir été que des exécutants d’ordre reçus?

Dès lors, un seul mot d’ordre s’impose, un seul devoir de vacances: Prenez de la distance, camarades! Et revenez non seulement bronzées et bronzés, fraîches et frais, disposes et dispos, mais surtout critiques. Outrageusement critiques. Indisciplinées et indisciplinés. Incrédules. Incontrôlables. Imprévisibles. Ne tenant rien pour acquis. Rien pour normal. Rien pour obligatoire. Et personne pour chef. Ni Dieu, ni César, ni tribun, comme disait le vieux Pottier. Les temps, chez nous, sont moins glorieux que ceux de la naissance de l’Internationale? Les risques de la liberté sont aussi moins grands – et plus piètres les excuses pour ne pas les prendre.

Maintenant, hein, ce que j’en prêche (pour ma paroisse), vous en faites ce que vous voulez, zêtes libres, après tout… Zêtes même libres de ne pas l’être. C’est dire si vous l’êtes. Faut juste le mériter, quoi.

Allez, bonnes vacances quand même… euh… bonne distance…

* Conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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