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Le 13 juin, journée internationale de l’albinisme

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Depuis l’année dernière, il existe une «Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme», instaurée chaque 13 juin par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Pour la deuxième fois, Genève a donc marqué cette date avec un riche programme d’information et de sensibilisation, organisé par l’ONG Espace Afrique International, dans l’enceinte du Palais des Nations. Cet événement a connu une forte affluence, tant la tragédie vécue par les albinos, tout particulièrement sur le continent africain, demeure largement méconnue du grand public.

Plusieurs témoignages ont ému, tel celui d’un père de famille, qui a décrit les tourments endurés par son épouse, accusée de sorcellerie pour avoir donné naissance à une fille albinos. Au programme également, la présentation du film Je suis albinos, réalisé par Nathalie Muco et l’Association des femmes albinos espoir du Burundi; ainsi que la présentation d’un rapport publié le 7 juin 2016 par Amnesty International sur les albinos du Malawi, intitulé Nous ne sommes pas des animaux à chasser ou à vendre.

«Face aux innombrables violations des droits humains dont sont victimes les personnes atteintes d’albinisme en Afrique, nous nous réjouissons que les Nations Unies et la communauté internationale prennent enfin leurs responsabilités», a déclaré Madame Awa N’Diaye, présidente d’Espace Afrique International, dont le siège se trouve à Genève. Elle a également relevé que la situation s’était considérablement dégradée au cours de ces dernières années, pour devenir, dans certains pays, une véritable tragédie.

Au Malawi par exemple, les albinos, y compris les très jeunes enfants, sont victimes d’une «vague sans précédent d’attaques brutales, alimentées par des pratiques rituelles et la passivité des autorités». Les os des albinos «seraient vendus à des guérisseurs traditionnels pour concocter des potions magiques censées apporter la richesse ou la chance». Pour Amnesty et ses enquêteurs, ce commerce macabre et aussi alimenté par «la croyance que les os des albinos contiennent de l’or».

Résultat: «même les morts ne sont pas laissés en paix». La police du Malawi a enregistré au moins 39 affaires d’exhumations illégales de corps «ou de personnes arrêtées en possession d’os et de membres d’albinos». Des mutilations ou des crimes rituels sont commis afin de prélever des organes qui serviront à la fabrication de grigris. Plus sordide encore: chaque partie du corps a un prix, un corps entier pouvant, lui, atteindre le montant de 75 000 dollars, faisant de ce commerce une macabre vente à la découpe d’êtres humains réduits au rang d’animaux. Dernière ignominie en date: la croyance que des relations sexuelles avec une femme albinos guérit du sida, avec, à la clé, des viols et des abus, commis y compris sur des fillettes.

Pour lutter contre ces actes monstrueux, Ikponwosa Ero, l’experte indépendante sur l’albinisme nommée en 2015 par l’ONU, elle-même albinos, originaire du Nigeria, préconise d’établir une feuille de route incluant des mesures simples et efficaces. Comme par exemple de recouvrir «les cercueils de ciment, afin d’éviter que les corps d’albinos ne soient exhumés », ou d’inscrire les enfants albinos dans des internats, afin que leur sécurité soit préservée.

En Tanzanie, les périodes électorales coïncident avec une augmentation de leur disparition, commanditée par des féticheurs. La nomination dans ce pays d’un ministre albinos, Abdallah Possi, contribue cependant à changer les mentalités. L’Etat kenyan a instauré une ligne téléphonique d’urgence à appeler en cas d’agression; ou encore distribue gratuitement des crèmes solaires pour protéger leur peau si fragile et prévenir le cancer.

Les prises de parole des stars albinos – telles que le chanteur malien Salif Keïta, le plus connu – contribuent également à briser les idées reçues. En octobre de l’année dernière à Kinshasa, une vingtaine d’albinos avaient participé à un défilé de mode «pour montrer que nous sommes belles et beaux». Paradoxe: alors que partout en Afrique le teint clair est valorisé, que de nombreuses femmes dépensent des fortunes pour donner à leur peau noire des reflets mordorés, la peau blanche des albinos n’a toujours pas la cote.

* Journaliste, SWISSAID (l’opinion exprimée ne reflète pas nécessairement celle de SWISSAID).

Opinions Chroniques Catherine Morand

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