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La vie privée menacée de mort

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Le droit à une vie privée libre, organisée à l’abri de ceux qui n’en font pas partie, est un droit essentiel des citoyens d’un Etat idéalement démocratique, s’ils en respectent les lois. Tant que nous ne commettons rien de répréhensible, nous ne devrions pas être localisés, observés, évalués, mis en fichiers, que ce soit par les Etats ou par d’autres entités, publiques ou privées. A moins de le désirer ou de l’accepter en connaissance de cause.

Le prétendu «progrès» des sociétés actuelles se fait dans une toute autre direction, parfois pour de bonnes raisons, le plus souvent pour de très mauvaises. S’il peut être avantageux de se faire localiser pour un navigateur solitaire ou un randonneur en terre inconnue, rien ne justifie, hors de contextes liés à la criminalité, que chacun soit, souvent à son insu, localisé par un ou plusieurs des gadgets électroniques dont notre vie se passe de moins en moins. Et rien, surtout, ne justifie que cette information se retrouve en d’autres mains inconnues que celles de la police et de la justice, en cas de nécessité. Or, aujourd’hui, le commerce invasif se permet d’utiliser nos moyens de paiement électroniques et ses prétendues «cartes de fidélité» non seulement pour nous localiser, mais aussi pour espionner le détail de nos consommations et nos comportements de clients.

Il ne suffisait pas que l’espace public, qui nous appartient aussi, soit odieusement enlaidi par la «réclame», puis la pub, depuis plus d’un siècle. Aujourd’hui, c’est notre espace privé qu’elles envahissent, par des radios et télés devenues inaudibles, même quand elles sont prétendues «publiques», mais surtout par internet où la moindre navigation sur un site commercial vaut, en retour, un bombardement de presque tous les autres sites consultés par des publicités «ciblées» correspondantes, en plus des multiples publicités ordinaires non ciblées. Consultez par exemple une fois le prix d’un voyage à l’île Maurice sur le site d’une compagnie aérienne. Vous serez submergé-e d’offres de séjours ou de vols, d’hébergement ou de location de voiture sur place, dès que vous chercherez l’horaire d’un prochain train pour Bruxelles ou Milan. On va pourtant rarement à Port-Louis en train! Il manque encore des micro-caméras de vidéosurveillance, partout chez vous, et des micro-puces de traçage dans tous vos objets, comme dans vos vêtements (pourquoi pas sous votre peau, comme Médor?), pour satisfaire l’Inquisition commerciale d’aujourd’hui. Vous serez alors des consommateurs domestiqués par les multinationales et leurs marketueurs à gages!

Par manque total d’éthique et de contrôle, les multinationales, et le commerce qu’elles contrôlent, piétinent ce qu’il nous restait de vie privée. Elles se foutent des lois indigentes que les Etats, dépassés, ont parfois votées pour l’épargner et ne cessent de les violer, à l’abri derrière les délocalisations d’internet. Les Etats eux-mêmes ne se pressent pas de légiférer contre les atteintes à la vie privée, dont leurs services de renseignement et de propagande sont des utilisateurs – il leur arrive souvent de légiférer pour, sous prétexte sécuritaire!

Il a fallu beaucoup de temps et d’excès pour faire reconnaître la criminalité financière et parler, de manière encore peu satisfaisante, de cybercriminalité en la matière. Combien de temps faudra-t-il pour parler de criminalité commerciale et de cybercriminalité commerciale, alors que la vie privée des citoyens est violée en permanence et que leurs comportements de consommateurs sont manipulés à leur insu? Pour cela, il faudrait d’abord réglementer les propagandes politiques et religieuses qui utilisent les mêmes méthodes de manipulation, depuis bien avant internet. Ce n’est donc pas demain la veille! Alors, que faire pour échapper à l’horreur commerciale? Vivre nus dans les derniers lambeaux de nature primaire? Avec les modes idiotes d’aujourd’hui, certains y amèneraient des micro-puces électroniques, dans leurs tatouages, leurs piercings ou leur Tampax…

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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